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Interview de Natacha Rosso : comment annoncer un changement de traitement ?

Comment annoncer un changement de traitement ? Comment accompagner l’enfant qui grandit avec sa maladie ? Quelle place en tant que soignant ? Des questions auxquelles Natacha Rosso, psychologue clinicienne spécialisée dans les maladies hémorragiques chez l’enfant, a bien voulu répondre.

Un changement de traitement se propose, se discute. Mais il ne s’impose pas. À quel point l’échange et l’écoute prennent une place importante dans la relation entre le professionnel de santé et son patient ?

Natacha Rosso : Aujourd’hui, le patient peut se prononcer dès lors qu’il s’agit de choisir un traitement (origine, forme d’administration…). Son désir est questionné, le spécialiste fera ce qu’il est possible de faire. Les médecins suivant des patients atteints de maladies chroniques ont été très précurseurs sur ces questions d’écoute. Des pathologies comme l’hémophilie sont particulièrement concernées, avec des médecins très soucieux du bien-être psychologique de leur patient et de l’adaptation de la médication à leur mode de vie. Le tout grâce à la confiance, la vigilance et l’humanisme : s’il n’y a pas alliance, la relation soignant-soigné ne fonctionne pas.


L’impératif est de garder le contact au-delà des consultations, lorsque les parents sont en phase d’apprentissage de l’hémophilie.

Quelles sont les principales étapes du cheminement vers un changement de traitement ?

Natacha Rosso : Ce processus commence d’abord par la sensibilisation sur le fait qu’un nouveau traitement arrive, qu’il soit en cours d’essai, à l’approche de l’obtention de son autorisation de mise sur le marché ou bientôt en officine. Et ce même si les trois quarts des patients qui arrivent en consultation sont déjà bien au fait de l’arrivée des innovations thérapeutiques. Plus le patient acquiert des connaissances sur sa maladie, plus il sera acteur de sa prise en charge. Deux phases importantes viennent ensuite : dans un premier temps, l’évaluation avec le patient de la possibilité d’une prescription, puis dans un second temps l’interrogation sur ce qu’il en pense. À ce niveau, certains arrivent avec la demande claire et nette de se faire prescrire telle ou telle molécule et les choses peuvent s’établir rapidement. Mais quand le patient est jeune notamment, certains parents souhaitent attendre et prendre du recul, notamment si l’enfant vit plutôt bien sa maladie avec son traitement actuel. 


Plus le patient acquiert des connaissances sur sa maladie, plus il sera acteur de sa prise en charge.

Comme beaucoup de discussion entre le médecin et son soignant, ce qui est formulé n’est pas forcément ce qui est perçu. Que faire de cette donnée dans le cadre d’un changement de traitement ?

Natacha Rosso : Certains patients se trouvent dans une situation d’handicap physique et social. Pour autant, ils refusent tout changement de traitement, quand bien même ce dernier améliorerait leur qualité de vie. De l’extérieur, sur le plan rationnel, il serait logique d’accepter. Mais en réalité, la peur pèse plus lourd dans le processus de décision. La question donc n’est pas toujours « comment aborder le sujet » mais « comment les propos sont-ils perçus et comment réagir en conséquence ? ». Beaucoup d’éléments subjectifs, comme l’expérience de la maladie, appartiennent seulement aux patients. Le médecin, lui, peut réfléchir à la façon d’évoquer les avancées d’un traitement, en plaçant l’écoute au cœur de leur relation.

Au cours de son suivi thérapeutique, le patient va devenir de plus en plus autonome. Pour autant, il ne doit pas se sentir seul. Quelles clés le médecin a-t-il en mains pour associer confiance et présence au cœur de la relation de soin ?

Natacha Rosso : L’écoute et la disponibilité de l’équipe médicale s’avèrent très importantes. Cette présence très rassurante nourrit ce lien intime entre l’équipe et le malade. Pour le médecin, la priorité réside aussi dans l’optimisation du parcours de soin de son patient. Mais dans la maladie chronique, et notamment dans les domaines hyper spécialisés comme l’hémophilie, en général, les réseaux hors centres de référence sont peu nombreux. C’est ce qu’il faudrait développer pour mieux coordonner les suivis thérapeutiques : il n’existe par exemple quasiment pas de lien avec les médecins traitants, alors qu’il s’agit d’une ressource très importante. Aucune connexion n’est établie avec les centres médico-psychologiques et les kinésithérapeutes. Le seul lien avec les personnes extérieures au centre est effectué avec les infirmières libérales.

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Établi en août 2022