Comme toute maladie chronique, la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) et l’œdème maculaire diabétique (OMD) font l’objet de conversations sur Internet. Les personnes qui en sont atteintes, mais aussi leurs proches, se renseignent sur les sites spécialisés, interrogent leurs pairs sur des forums santé, partagent leurs expériences et ressentis sur les réseaux sociaux… Analyser ces récits et questionnements, souvent postés à chaud et poussés par une émotion (angoisse, doute…), permet de comprendre le vécu subjectif des patients et de leurs aidants. Et peut-être de trouver des clés pour mieux répondre à leurs besoins.
Tel était l’objectif de l’étude de web-ethnographie1 menée à l’initiative de Roche, en partenariat avec le cabinet D’CAP Research, avec la participation du Dr. Vincent Gualino, rétinologue à la clinique Honoré Cave de Montauban, et du Dr. Antoine Piau, gériatre au Gérontopôle du CHU de Toulouse.
Méthodologie
La web-ethnographie consiste à analyser les conversations entre patients, proches et/ou aidants sur tout le web public : forums, réseaux sociaux, YouTube… Découvrez la méthodologie complète de cette étude dans le document à télécharger.
Résultats
Il ressort de cette étude que les patients souffrant de DMLAn et d’OMD sont dans deux dynamiques différentes.
Pour les patients atteints d’OMD : un défi de plus
- Les patients diabétiques sont habitués à s’entraider sur le web, pour mieux garder le contrôle de leur pathologie.
- Les pairs et la communauté médicale sont de vraies ressources.
3 grandes problématiques identifiées sur le web public :
- Recherche d’espoir (12 % des messages) :
- Recherche de témoignages rassurants.
- Besoin de savoir à quoi s’attendre, et de perspectives positives.
- Communauté de progrès (12 % des messages) :
- Formation d’une communauté d’entraide très soudée.
- Recherche d’innovations, de nouvelles technologies.
- Objectif vie active 7 % des messages :
- Patientes en projet ou en cours de grossesse qui tentent de piloter finement leur OMD, leur traitement et les multiples facteurs qui entrent en ligne de compte pour optimiser leurs perspectives.
Pour les patients atteints de DMLA : un sentiment d’impuissance et d’isolement
- Les patients plus âgés manquent de perspectives positives.
- Ils ressentent un besoin de reconnaissance de leur maladie pour pouvoir la maîtriser.
- Ils manquent d’une communauté de soutien entre pairs, ce qui fait qu’ils souffrent en silence.
5 grandes problématiques identifiées sur le web public :
- Recherche d'aides financières (28 % des messages) :
- Manque d’informations sur les possibilités de prise en charge et de remboursement de matériels et de transports pour se rendre au centre de soin.
- Plus spécifiquement, sur la demande et/ou le renouvellement de prise en charge en affection de longue durée (ALD).
- Défiance et perte d’espoir (15 % des messages) :
- Manque d’information, besoin de reporter la faute sur un tiers.
- Manque d’appartenance à un réseau de pairs.
- Recherche de solutions (15 % des messages) :
- Recherche active de renseignements sur de nouvelles technologies, de nouveaux traitements, des innovations.
- Recherche d’espoir (12 % des messages) :
- Recherche de témoignages rassurants.
- Besoin de savoir à quoi s’attendre, et de perspectives positives.
- Contrôle par l’expertise (10 % des messages) :
- Des « patients experts » partagent leur expérience de la maladie et de leur parcours.
Conclusion
Face à l’isolement que vivent les patients atteints de DMLA, et afin de limiter le désengagement social induit par la perte d’espoir, l’étude suggère :
- d’impliquer davantage le proche aidant, indissociable du patient, et ce dès le dépistage, car sa vigilance est un atout pour le diagnostic comme pour la réussite du traitement ;
- d’améliorer le parcours de soins des patients par davantage de coopération interdisciplinaire et interprofessionnelle ;
- d’informer de façon proactive le patient sur tous les aspects du parcours qui l’attend, y compris le médico-social ;
- de donner des motifs d’espoir au patient et à son entourage, via par exemple la possibilité de participer à des études cliniques et/ou le partage de leurs résultats prometteurs ;
- de proposer des solutions de confort, y compris non-médicamenteuses, pour améliorer la qualité de vie du patient.
Dans le cas de l’OMD, même si les symptômes sont proches, le vécu psychologique des patients est différent. Ces derniers peuvent montrer plus de combativité et d’espoir lorsque leur pathologie est réversible, qu’ils peuvent avoir prise sur cette réversibilité par leur vigilance et leur hygiène de vie, et qu’ils sentent l’amélioration.
Les deux maladies souffrent néanmoins d’une absence de représentation mentale collective, laissant les patients et leur entourage démunis. C’est pourquoi l’étude suggère également de favoriser une meilleure reconnaissance publique de la DMLAn et de l’OMD, ainsi que le développement de liens sociaux autour des malades, via par exemple des communautés animées par des patients-experts.
Référence :
1. Web-ethnographie. Rapport du 23 mars 2023. Échantillon de 136 conversations publiques en ligne contenant 790 messages postés par 441 auteurs entre janvier 2007 et février 2021.