Comment organiser votre veille scientifique en médecine ?

En tant que praticien, rester à jour de la littérature médicale est complexe. Nombre d’études, de revues, formats, sites web et applications : les modalités d’accès à la science ne cessent de croître. Il est évidemment impossible de lire tous les articles pertinents publiés chaque année dans une spécialité tout en maintenant un équilibre sain entre vie professionnelle et privée. Par ailleurs, la pandémie de COVID-19 a court-circuité les canaux traditionnels de publication scientifique, délaissant revues médicales et congrès pour les réseaux sociaux, plus réactifs et plus flexibles. Dans un contexte d’urgence pour la santé publique mondiale, ce phénomène a induit une pression supplémentaire pour les médecins, sommés de suivre des informations rapides, changeantes et désordonnées en continu.

Alors comment effectuer votre veille médicale en 2022 ? Voici quelques stratégies pour rester à jour de la littérature scientifique et satisfaire aux exigences de formation médicale continue sans nuire à votre santé.

Surveillez les revues scientifiques (automatiquement)

La méthode de veille la plus évidente consiste à suivre les publications de revues sélectionnées au préalable. La veille « pull » ou manuelle implique alors de consulter le site web des revues en question à intervalle régulier. La veille « push » ou automatisée peut relever de plusieurs méthodes.

1. Abonnez-vous aux tables des matières électroniques

Choisissez quelques revues d’excellence dans votre spécialité et recevez par mail les sommaires de chaque numéro. Vous pouvez alors décider quels articles ou résumés lire à intervalle régulier. Ce système d’abonnement gratuit vous permet notamment de suivre les revues françaises qui ne sont pas indexées par les grandes bases de données internationales.

2. Recevez les notifications de bases de données telles que PubMed ou Google Scholars

Choisissez une spécialité ou un domaine d’intérêt, paramétrez les alertes en fonction de vos préférences (format, fréquence, etc.) et recevez les notifications correspondantes par mail. Il ne vous reste plus qu’à vérifier votre boîte de réception à intervalle régulier et lire les publications qui vous intéressent.

3. Consultez les revues de la littérature réalisées par des experts

Des experts de différentes spécialités veillent la littérature scientifique et proposent des condensés d’articles résumant les résultats et les éventuelles applications pour votre pratique. Par exemple, le New England Journal of Medicine propose sa revue systématisée  NEJM Journal Watch. En Français,  La Revue du Praticien et  Prescrire notamment proposent leurs revues de la littérature médicale. Bien entendu, tout travail de synthèse est intrinsèquement biaisé par les préférences et opinions de son rédacteur.

Interagissez avec vos pairs et la communauté scientifique internationale

1. Prenez part à un groupe de pairs

Un groupe de pairs rassemble des praticiens de même spécialité et de même exercice, travaillant généralement dans la même zone géographique. Fondé sur une méthodologie rigoureuse, il permet d’étudier les cas cliniques que vous avez vécus, d’examiner la littérature scientifique sur les problématiques soulevées avec votre groupe et d’inclure ces nouveaux enseignements dans votre pratique clinique. En France, les groupes de pairs peuvent rentrer dans le cadre du développement professionnel continu (DPC) institutionnalisé.

2. Participez à des congrès, conférences et webinaires

Les congrès médicaux rassemblent des professionnels de santé en un lieu unique et sont l’occasion d’appréhender les dernières évolutions de votre spécialité et d’échanger avec vos pairs. La plupart des sociétés scientifiques proposent leur propre congrès annuel. Les webinaires sont leur pendant en ligne. En raison de la nécessité de distanciation sociale, ils ont connu un essor considérable durant la pandémie de COVID-19. Le plus souvent, leurs replays sont faciles d’accès. Par exemple, dans la  rubrique « Replay » de RochePro, vous retrouverez les vidéos des événements et webinaires organisés par Roche.

3. Rejoignez une société savante

Adhérer activement à une société savante vous offre la possibilité de vous abonner à leurs bulletins d’information, de rejoindre des comités scientifiques ou des groupes de recherche et de construire des réseaux solides pour soutenir votre carrière. En France, il en existe plus d’une centaine, couvrant toutes les spécialités, de la médecine générale ( société française de médecine générale), à la génétique (société française de génétique), en passant par les sociétés chirurgicales ( association française de chirurgie société française de recherche orthopédique,etc.) et d’imagerie ( société française de radiologie).

4 Soyez actif sur les réseaux sociaux

Au cours de la dernière décennie et plus récemment pendant la pandémie de COVID-19, les médias sociaux ont shunté la diffusion traditionnelle des connaissances médicales. Les principales revues biomédicales, sociétés savantes et institutions de santé publique ont un compte officiel sur les plateformes de médias sociaux (Twitter, Facebook, LinkedIn et YouTube notamment) sur lesquels ils diffusent des informations sur les dernières recherches, les recommandations de bonne pratique, les webinaires et autres opportunités de développement professionnel continu. Par conséquent, suivre leurs comptes est un bon moyen de rester à jour des dernières évolutions et conversations dans votre spécialité.

En particulier, de nombreux universitaires et leaders scientifiques sont très actifs sur Twitter, plateforme très populaire outre-Atlantique. Vous pouvez ainsi interagir directement avec la communauté scientifique de votre spécialité, suivre et éventuellement diffuser les « tweets » d’universitaires, chercheurs, revues scientifiques et institutions de santé.  Retrouvez tous nos conseils pour devenir un pro de Twitter dans la saison 1 de 90 secondes.

Contribuez à des revues scientifiques

Que ce soit en tant que rédacteur ou relecteur/correcteur, collaborer avec une revue scientifique vous offre un accès privilégié aux coulisses des publications scientifiques, avant même leur diffusion auprès du grand public. Si vous êtes intéressé(e) par la recherche et la publication d’études, relire les manuscrits d’autres chercheurs est un excellent moyen d’améliorer vos propres compétences en rédaction scientifique en développant un sens critique de la rédaction médicale. De plus, les revues scientifiques proposent régulièrement à leurs correcteurs de rédiger des éditoriaux sur les articles qu’ils ont évalués.

Suivez des formations dans le cadre de votre DPC

Comme vous le savez, le développement professionnel continu est obligatoire pour les médecins depuis la  loi HPST du 21 juillet 2009. Chaque professionnel de santé doit ainsi satisfaire à son obligation de DPC sur une période de trois ans afin d’évaluer et améliorer ses pratiques. De nombreux organismes et structures accrédités par l’agence nationale du DPC proposent ainsi de multiples formations dans toutes les spécialités médicales et chirurgicales. S’il ne s’agit pas du moyen de veille le plus direct, ces formations sont à jour des dernières recommandations pratiques et font régulièrement intervenir des experts de leur (sur)spécialité.

Trouvez et prenez le temps

En tant que praticien, trouver le temps de vous asseoir pour lire et évaluer le contenu que vous avez sélectionné au préalable est sans aucun doute la partie la plus délicate de la veille scientifique. Fixer une ou des plages horaires spécifiques dans votre semaine pour examiner les informations que vous avez collectées est une bonne stratégie pour effectuer sa veille rigoureusement. Vous pouvez aussi optimiser votre temps de transport quotidien ; lisez des résumés d’articles, éditos et tweets dans les transports en commun ou écoutez un podcast dans votre voiture.

Évitez les pièges

Face à la profusion de publications et d’outils pour les surveiller, il serait contre-productif de vouloir lire tous les emails et ouvrir toutes les notifications au fur et à mesure qu’ils arrivent sur votre téléphone ; prenez garde au risque de surcharge d’informations et d’infobésité. Il est donc recommandé de hiérarchiser les contenus que vous suivez ; certains seront prioritaires tandis que d’autres seront conservés pour plus tard. Il est également utile de se désabonner de certains services d’alertes au fur et à mesure que le temps passe et que vos intérêts changent.

Par ailleurs, être à la pointe des dernières découvertes dans votre spécialité ne remplace pas les expériences réelles. Cliniciens et chercheurs ont toujours besoin de voir des patients et de mener leurs propres projets de recherche. Par conséquent, n’hésitez pas à oublier les revues pendant une semaine ou deux pendant les périodes difficiles et privilégier les interactions avec vos confrères.

Ensuite, sauvegardez ! Gardez une trace des publications que vous souhaitez lire plus tard pour ne pas les oublier dans l’intervalle. Là encore, les outils ne manquent pas ; document Word, tableur Excel, dossier Google Drive, etc. Vous pouvez même utiliser un  logiciel de référencement libre comme Zotero pour enregistrer les articles qui vous intéressent directement sur votre navigateur web. De la même manière, conservez et classez les articles que vous avez lus afin de pouvoir les retrouver facilement des semaines ou des mois plus tard.

Enfin, gardez la dernière étape de la veille scientifique en mémoire : partagez vos nouvelles connaissances. La veille est nettement plus efficace lorsqu’elle est collective et collaborative ; discutez avec vos confrères ou, si vous avez l’âme digitale, partagez vos dernières découvertes sur les médias sociaux pour animer la conversation scientifique et permettre à vos pairs de trouver l’information facilement.

Conclusion

En médecine, la veille scientifique est à la fois une nécessité et un défi. Par conséquent, cliniciens et chercheurs doivent associer habilement stratégies de veille classiques et novatrices pour rester à jour de la littérature scientifique. Les moyens de veille médicale ne manquent pas ; combinez-les, expérimentez et trouvez la stratégie de veille qui vous correspond le mieux.

Pour aller plus loin

M- FR-00006981-3.0
Établi en décembre 2022