Tout savoir sur la veille scientifique en médecine

Veille scientifique, veille médicale et veille sanitaire : kézako ?

La veille scientifique est une activité de surveillance continue des publications et innovations dans un domaine scientifique défini. Pour un médecin, la veille médicale consiste ainsi à connaître et comprendre les grandes tendances de sa spécialité, en anticiper les évolutions et acquérir des informations appropriées en temps opportun.

À la différence de la recherche bibliographique ponctuelle, la veille scientifique s’inscrit dans la durée et intègre une dimension stratégique pour maintenir ce flux d’information.

Cinq étapes sont donc nécessaires au processus de veille scientifique :

  1. Planification de la veille
  2. Identification des sources pertinentes
  3. Collecte des informations
  4. Analyse des données pertinentes
  5. Application à sa pratique et diffusion

 Selon Santé Publique France, la veille sanitaire correspond à l’ensemble des actions visant à reconnaître la survenue d’un événement inhabituel ou anormal pouvant présenter un risque pour la santé humaine dans une perspective d’anticipation, d’alerte et d’action précoce1. Si chaque praticien peut y prendre part, notamment en rapportant les pathologies à déclaration obligatoire, la veille sanitaire dépend d’organismes de santé publique nationaux et internationaux et n’a pas vocation à améliorer ses connaissances.

Veille scientifique : pour quoi faire ?

De nos jours, l’évolution des connaissances médicales est absolument spectaculaire, avec des répercussions instantanées sur les pratiques et recommandations cliniques.  Selon une étude menée par l’American Critical and Climatological Association2, la littérature médicale doublait tous les 50 ans en 1950, tous les 7 ans en 1980 et tous les 3,5 ans en 2010. Cette étude estimait que les connaissances médicales doubleraient tous les 73 jours en 2020. La veille médicale permet donc d’être à jour dans sa pratique, d’améliorer les soins aux patients en continu et, à l’heure de la démocratisation de l’information sur internet, de fournir des réponses pertinentes à leurs questions.

La veille médicale permet également d’identifier les experts reconnus d’une spécialité et de rechercher des collaborateurs. Pour les étudiants et internes, il peut s’agir de trouver un mentor ou un directeur de thèse.

Par ailleurs, prendre part à des réseaux scientifiques favorise la coopération et l’humilité ; la connaissance médicale est aujourd’hui trop vaste pour l’appréhender seul. La bonne pratique passe nécessairement par la collaboration.

Trois principes fondamentaux pour une veille scientifique efficace

Pour être efficace, la veille médicale devrait être :

  1. Régulière : dans le cas contraire, il ne s’agit plus de veille mais de recherche ponctuelle.
  2. Collective : un groupe de « veilleurs » sera toujours plus exhaustif et efficace qu’un praticien isolé.
  3. Automatisée : partiellement ou intégralement. La surabondance des connaissances a rendu la veille manuelle obsolète.

Veille « pull » et veille « push » : les deux grands types de veille

Il existe deux types de veille :

  • La veille « pull », ou manuelle, consiste à explorer directement et régulièrement différentes sources de contenu (site web, blog, revues, bases de données, etc.) pour en extraire les connaissances dans un domaine particulier. L’utilisateur remplit un champ de recherche (mots clés, auteurs, titres de revues, année de publication, etc.) pour chaque outil sélectionné (bases de données, moteurs de recherche, éditeurs de périodiques, etc.) et synthétise les informations obtenues.
    Cette méthode est généralement utilisée pour les  bases de données non structurées ou pour les sources d’information qui n’offrent pas de service push. Le veilleur doit donc refaire des recherches à intervalle régulier.
  • La méthode « push », ou automatisée, « pousse » l’information vers l’utilisateur, de manière directe via des bulletins d’informations (newsletters), des listes de diffusion (mailing lists) et autres services d’alertes (applications, réseaux sociaux, etc.). L’utilisateur doit donc s’abonner à des services qui automatisent la veille.

Principaux médias de veille scientifique pour le médecin

De nos jours, l’information scientifique est disponible via de nombreuses plateformes et médias.

On retrouve principalement :

Les quatre défis majeurs du médecin veilleur

1. La littérature scientifique croît exponentiellement (et ce n’est que le début)

Le principal défi du veilleur en médecine tient au volume de connaissances scientifiques disponible ; en 2022, celui-ci n’est pas seulement considérable, il est en expansion permanente. Le  nombre de publications scientifiques chaque année atteint ainsi 2 à 3 millions selon les estimations (réparti sur 30 000 revues scientifiques)3 et plus de la moitié d’entre elles concernent les soins de santé. Dans ce contexte d’explosion informationnelle, maîtriser ce flux continu de données avec des moyens humains seuls est impossible. Pour parvenir à suivre les mises à jour de la littérature dans sa spécialité, une stratégie de veille s’appuyant sur des outils informatiques est indispensable.

2. Médecine = manque de temps

Être médecin signifie travailler de longues heures et gérer des situations complexes au quotidien. Quelle que soit sa spécialité, le professionnel de santé manque souvent de temps.

Or, la veille médicale, surtout manuelle, requiert du temps, principalement de recherche et de lecture critique. Un praticien manquera généralement de temps pour s’asseoir, lire des publications et, plus important encore, retenir les informations pertinentes pour sa pratique.

3. Une charge de plus pour le médecin

Le coût des abonnements aux grandes revues médicales internationales fait l’objet de polémiques régulières. Considéré comme prohibitif par de nombreux médecins et chercheurs, il constitue un obstacle à la diffusion libre et humaniste des connaissances en santé.

De manière générale, les articles en accès libre sont publiés à la charge de leurs auteurs et un article payant coûtera entre 35 et 50 €.

Les coûts d’abonnement aux revues médicales sont variables :

  • exemples d’abonnement annuel aux revues en langue française (numérique seulement) : Revue médicale suisse 164 €, La Revue du Praticien 241 €, Prescrire 372 € ;
  • exemples d’abonnement annuel aux revues en langue anglaise (numérique seulement) : Nature 185 €, Lancet 279 €, Cell 515 €.

L’exhaustivité a un prix. Un cardiologue qui souhaite avoir une vision d’ensemble de la littérature en cardiologie s’abonnera possiblement à Nature Review CardiologyEuropean Heart JournalCirculation ResearchJAMA Cardiology, etc. À l’évidence, ces coûts s’additionnent.

Par ailleurs,  le prix des abonnements aux revues scientifiques augmente d’environ 5 % par an4.

4. L’anglais règne sans partage sur la littérature scientifique mondiale

Si la France n’a pas à rougir de son écosystème de recherche en médecine, la très grande majorité des revues de référence sont en langue anglaise ; publier dans ce langage est donc une condition sine qua non de succès pour un article et ses auteurs.  De nos jours, 98 % de la littérature scientifique mondiale est publiée en anglais5, constituant une difficulté d’accès évidente pour les médecins non anglophones.

Conclusion

Si la veille scientifique est fondamentale dans la pratique du médecin, celui-ci se heurte à de multiples obstacles. La croissance exponentielle de la littérature médicale s’est accompagnée de l’essor des outils automatisés et ceux-ci facilitent nettement la veille. Le défi du veilleur moderne revient donc à maîtriser ces nouveaux instruments pour mettre en place une stratégie de veille efficace en termes de temps comme de coûts.

Pour aller plus loin

M- FR-00006981-3.0
Établi en décembre 2022