Comment travaillez-vous au sein de cette direction de la transformation écologique ?
Elle a d’abord pour particularité d’être une direction à part entière, ce qui n’était pas le cas avant ma nomination. C’est d’ailleurs souvent le cas au sein des établissements hospitaliers, qui confient cette thématique aux directions « Achats-logistique ou travaux », ce qui a du sens d’ailleurs. Néanmoins, le choix opéré par le CHU de Clermont-Ferrand démontre un réel investissement pour cet enjeu.
Au sein de cette direction, je suis accompagnée par un ingénieur en environnement et maîtrise des énergies à hauteur de 10 % de son temps et d’un conseiller en transition énergétique et écologique en santé appartenant au réseau coordonné par l’Agence nationale de la performance sanitaire et médico-sociale (ANAP), qui travaille également avec d’autres établissements du Groupement hospitalier de territoire (GHT). Ma mission consiste à porter les ambitions de transition écologique au-delà de ce trio, vers tous les acteurs du CHU. C’est bien là le défi ! Avant d’être à ce poste, j’ai longtemps exercé en tant que cheffe de pôle pharmacie au sein de l’établissement et j’ai délibérément choisi de consacrer mon temps à cet enjeu. Aujourd’hui, je travaille de manière transversale avec les autres directions du CHU, ainsi qu’avec les différents pôles, au sein desquels j’ai identifié des relais pour dégager avec eux des priorités d’actions et des axes de travail. J’ai notamment coordonné des projets pour diminuer les gaz à effet de serre produits par notre établissement, en lien avec les achats des médicaments et dispositifs médicaux. Je m’intéresse particulièrement aux soins écoresponsables visant à questionner le besoin et à repenser les pratiques pour réduire leur impact environnemental. J’ai soutenu et accompagné l’arrêt de l’alimentation des blocs opératoires en protoxyde d’azote, la substitution du desflurane au profit d’autres anesthésiques, la réduction de dispositifs médicaux à usage unique au profit du réutilisable (sets d’accouchements par voir basse, pinces et cupules pour le badigeon chirurgical, plateaux d’anesthésie, etc.).
Les équipes se saisissent-elles de ces enjeux ?
J’ai un ressenti très positif. Lorsque j’échange avec les équipes médicales et paramédicales, je constate qu’elles souhaitent avant tout me montrer les actions qu’elles ont déjà mises en place dans le domaine et en proposer d’autres. Elles s’interrogent sur la façon de débloquer des situations nécessitant des investissements. Mon rôle consiste alors à les accompagner dans la recherche de solutions organisationnelles, financières pour agir. La dynamique est réelle.
Le fait d’être une professionnelle de santé médicale est sûrement un atout pour accompagner la dynamique de soins écoresponsables, l’un des enjeux prioritaires de la transition écologique. Ayant exercé pendant plusieurs années en tant que pharmacien, cheffe de pôle, je connais particulièrement bien les équipes et leurs pratiques ce qui facilite les échanges. Ma fonction de directrice n’est pas perçue comme strictement administrative. L’enjeu est avant tout de structurer la démarche et d’avoir les bons leviers : méthodologie, coordination et impulsion de l’intérêt de travailler sur ce sujet. À titre d’exemple, la dynamique « Green blocs » engage l’ensemble des blocs et plateaux techniques de cardiologie et radiologie interventionnelles avec une représentativité des différents professionnels. Ce collectif élabore un plan d’action partagé et le recueil d’indicateurs pour mesurer l’impact des actions mises en œuvre.
Pourquoi la direction de l’hôpital a-t-elle fait le choix de vous nommer vous ?
La directrice du CHU a été intéressée par mon engagement dans la coordination d’actions en lien avec l’usage écoresponsable des produits de santé et par ma qualité de Professeur des universités-praticien hospitalier (PU-PH), qui amène une vision de la transition écologique tournée vers la recherche et l’innovation. Mes activités de recherche sont en lien direct avec la transition écologique puisqu’elles visent à diminuer l’exposition aux perturbateurs endocriniens présents au sein des dispositifs médicaux. Cela fait plus de 25 ans que j’étudie, au sein d’équipes universitaires et hospitalières, les interactions entre les dispositifs médicaux et les fluides qui sont à leur contact. Ces enjeux de santé environnementale, au cœur de mes préoccupations de recherche, ont bien sûr un écho avec mes pratiques hospitalières. Ma volonté d’agir pour diminuer l’impact environnemental des produits de santé s’inscrit dans cette suite logique. J’ai souhaité consacrer la dernière partie de ma carrière à la transformation écologique pour accompagner notre établissement à réduire ses émissions, préserver ses ressources et limiter ses pollutions environnementales. Ainsi, j’ai cédé mes missions managériales de cheffe de pôle pour m’orienter vers ce poste de directrice en adéquation avec mes convictions.
Les pharmaciens sont-ils impliqués dans ces projets ?
D’après les données du think tank, Shift Project, sur les 8 % des émissions de gaz à effet de serre générées par le système de santé français, environ 50 % sont liés aux achats de médicaments et de dispositifs médicaux. Certes, l’industrie pharmaceutique va jouer un rôle majeur pour décarboner la production des produits de santé. Pour autant, les établissements de santé sont directement concernés pour assurer les actions de promotion, prévention et juste soin ; l’un des leviers essentiels de cette décarbonation. Les pharmaciens ont toute leur place pour encourager et accompagner la juste prescription, le juste soin, questionner le besoin pour des achats et une dispensation sobre et pertinente. Au-delà de mes fonctions au CHU de Clermont-Ferrand, je suis engagée au sein de la profession pour soutenir les pharmaciens des établissements de santé dans leur démarche. Les adhérents du Synprefh m’ont notamment accordé leur confiance en m’élisant au conseil d’administration au regard de ces missions écologiques. La rédaction d’un livre vert est d’ailleurs en cours d’élaboration pour les accompagner dans cette évolution.
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