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Expertise PUI
économie de la santé

« Carton rouge à la surprescription » : tel était le sous-titre d’une des formations certifiantes délivrées lors du congrès de la Société française de Pharmacie clinique (SFPC) à Toulouse du 10 au 13 mars dernier. Polymédication, optimisation thérapeutique, déprescription et rôle du pharmacien* sont parmi les thématiques abordées lors de cette session.

Impossible d’aborder l’optimisation thérapeutique sans évoquer, au préalable, les différents types de mésusages de médicaments, dont la polymédication inappropriée. Et les risques sont grands : effets indésirables, interactions, erreurs médicales, chutes, mauvaise observance, altérations cognitives… sans oublier le fardeau économique que cela entraîne.

Des programmes d’optimisation thérapeutique

Les effets indésirables liés aux médicaments représentent un tiers des effets graves liés aux soins et nombre d’entre eux ont motivé une hospitalisation. Il est donc crucial de s’interroger sur la pertinence de certaines prescriptions, surtout dans le cadre de la prise en charge de patients polymédiqués et, souvent âgés. Pour cela, il faut donc repositionner le patient au centre de sa prise en charge, qui doit être pluriprofessionnelle (médecins généralistes et gériatres, pharmaciens hospitaliers et d’officine) dans le cadre de liens ville-hôpital construits. C’est là que l’optimisation thérapeutique entre en scène. Son objectif premier est d’éviter les prescriptions inappropriées qu’il s’agisse de surutilisation (overuse), d’insuffisance (underuse) ou de mésusage (misuse). Une optimisation efficace nécessite de coupler des critères explicites (listes de médicaments inappropriés) et une approche implicite (jugement clinique).

Rôle et implication du pharmacien

Une première mission du pharmacien repose dans le bilan partagé de médication, un entretien avec le patient chronique et polymédiqué âgé de plus de 65 ans. Y associer le médecin généraliste permet d’être exhaustif afin de recueillir notamment les informations générales, les comorbidités, etc. Le bilan doit ensuite être mis en regard avec les recommandations des sociétés savantes avant de formuler, après un temps de réflexion, les interventions pharmaceutiques qui seront adressées au médecin. À l’hôpital, la conciliation médicamenteuse peut être entreprise par le pharmacien clinicien dans le cadre d’une intervention en hôpital de jour, d’une hospitalisation, par l’analyse de l’ordonnance, la rédaction de la conciliation de sortie ou l’implication dans des protocoles de recherche.

Zoom sur la déprescription

Autre stratégie d’optimisation thérapeutique : la déprescription, apparue dans les années 2000 comme une solution à la surprescription. On désigne sous ce terme un processus de retrait d’un médicament par un professionnel de santé dans le but de gérer la polymédication et d’améliorer les résultats. Cette notion de processus est particulièrement importante car la déprescription nécessite à la fois du temps, de l’énergie, des échanges et un suivi avec le patient. Celui-ci est en effet la pièce maîtresse et doit être considéré comme un membre de l’équipe dans le cadre de la prise de décisions partagées. De même, l’interprofessionnalité est essentielle, aucun professionnel de santé ne pouvant fournir à lui seul la gamme complète de soins. Unir les compétences ne suffit pas : il s’agit bien là de s’engager à prendre les décisions ensemble et sans hiérarchisation des rôles. La déprescription ne doit pas nécessairement être menée par les médecins. Au contraire, les pharmaciens doivent la prendre en main. Avec l’évolution du paysage réglementaire sur le renouvellement et l’adaptation des traitements par les pharmaciens, ceux-ci vont pouvoir déprescrire et implémenter des programmes en la matière.

La déprescription en pratique

En pratique, le protocole de déprescription repose sur une priorisation des médicaments pour obtenir la meilleure balance bénéfices-risques :

  • en priorité les médicaments non utilisés ;
  • ceux urgents à cesser ;
  • ceux que le patient souhaite arrêter ;
  • ceux faciles à interrompre.

Il faut toujours arrêter un médicament à la fois et assurer une surveillance du patient. Il existe différentes modalités de déprescription mais il est souhaitable de privilégier une approche progressive par crainte d’effets rebonds et de syndrome de sevrage en cas de médicament alternatif. De nombreuses recherches restent en cours sur la déprescription si bien qu’il convient de rester nuancé et critique mais également de se former notamment via des outils comme ceux développés par certains Observatoires du médicament, des dispositifs médicaux et de l’innovation thérapeutique (Omedit). Déprescrire ne s’improvise pas et il faut faire reconnaître l’opinion et l’expertise pleine et entière du pharmacien en matière de déprescription.

Qu’est-ce qui empêche de déprescrire ?

D’autres freins doivent également être levés pour encourager la déprescription notamment :

  • les barrières culturelles : l’absence de prescription donne l’impression de ne pas être pris en charge ; absence de rémunération à la déprescription ; remboursements qui donnent une impression de gratuité des traitements ;
  • les barrières organisationnelles : des recommandations des sociétés savantes sont « mono-pathologie » ou « mono-organe », donc, ne vont pas toujours dans le même sens pour les polypathologies ; peu de logiciels d’aide à la déprescription ; manque de temps ou d’alternatives non pharmacologiques ;
  • les barrières interprofessionnelles : manque de collaboration entre professionnels de santé sur ces questions ; réticence des médecins à arrêter un traitement prescrit par un collègue ; difficulté à aborder le sujet avec le patient ; statu quo plus « simple » ; manque de confiance en soi des pharmaciens pour faire des déprescriptions ;
  • les barrières individuelles : patients réticents car ils connaissent leur traitement ; manque d’implication.

Pour autant, certaines décisions politiques sont évoquées pour faciliter la déprescription. Parmi elles : arrêter la commercialisation d’un médicament, limiter la possibilité de prescrire à un certain nombre de spécialités médicales, mettre en place des programmes d’éducation, délister certains médicaments et rémunérer les médecins pour la révision de traitements. Des pistes à prendre toutefois avec précaution, certaines n’ayant pas fait leur preuve.

*avec Jean-François Huon, Pharmacien MCU-PH au CHU de Nantes, Cécile Mc Cambridge, Pharmacien PH au CHU de Toulouse, et Anne Spinewine, Pharmacien Professeur au CHU UC Louvain Namur.

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