Face aux nouveaux besoins au sein des PUI, globalement, deux situations se présentent. Soit les métiers de la pharmacie (pharmacien, préparateur) montent en compétence, soit les PUI recrutent en interne des nouveaux métiers, les deux solutions n’étant pas antinomiques.
Démographie et explosion des compétences
« Face à l’évolution des activités et des contraintes normatives notamment, les PUI sont confrontées à des besoins qui se transforment constamment », résume le Pr Samuel Limat, président de la Commission médicale d’établissement (CME) du CHU de Besançon. « Nous sommes face à une montée en compétences de certains processus et secteurs de nos PUI principalement au sein des CHU », complète le Pr Pierrick Bedouch, PUPH, professeur en pharmacie clinique au CHU de Grenoble, chef du pôle pharmacie et coordinateur du groupe Attractivité et fidélisation RH de la conférence des pharmaciens de CHU (CPCHU).
Aujourd’hui, les PUI se trouvent confrontées à l’hyper-professionnalisation et l’hyper-technicité du métier de pharmacien, à l’élargissement de ses missions, tout en étant confrontées à des problèmes démographiques et de recrutement avec des postes vacants principalement sur la stérilisation, l’approvisionnement et les dispositifs médicaux, ce qui est un peu moins le cas en pharmacotechnie et en pharmacie clinique. « Toutes les activités de pharmacie hospitalière sont à une échelle d’expertise élevée, indique le Pr Bedouch. Souvent les pharmaciens et préparateurs se dédient à une activité, de stérilisation par exemple, et ne se consacrent pas à autre chose. » « Bien souvent, nous dédions du temps d’expert à certaines tâches, alors qu’il pourrait être mieux utilisé sur d’autres missions », constate le Pr Limat. Face à cette situation, les chefs de pôle s’interrogent sur l’ouverture des postes à d’autres profils ou à une autre ventilation des compétences.
Un besoin de complémentarité
Pour autant, que ce soit pour les PUI en particulier, ou pour les directions en général, il n’est pas encore habituel, dans le secteur hospitalier, de s’ouvrir à d’autres métiers. Pourtant, « plus une PUI est importante, avec des métiers variés, diversifiés, pouvant coopérer et mutualiser, plus elle va être attractive pour de nouveaux profils », soutient le Pr Limat. Un avantage non négligeable, plus facile à mettre en œuvre au sein de grandes PUI, où des supports de postes peuvent être redirigés vers d’autres compétences. Une démarche plus difficile dans les plus petites PUI où les ETP sont moindres, et les pharmaciens plus polyvalents dans leurs missions.
Certes, la profession possède, historiquement, une culture de la polyvalence et d'adaptation, ce qui est une richesse. Mais demain, comment enrichir les équipes et faire entrer de nouvelles méthodes ? Face au traitement des données par exemple, « nous pouvons en tant que pharmaciens, détenir des méthodes, mais certaines personnes dont c’est le socle métier, sont plus à l’aise techniquement et plus agiles également », rappelle le Pr Limat. Se pose donc la question de l’efficience, de supports et de coûts.
Idem dans le domaine de l’automatisation et de l’informatisation. « De nombreux pharmaciens se sont formés car ils ont été confrontés à devoir embrasser ces fonctions avec l’arrivée des premiers automates, générant un glissement de tâches, rappelle le Pr Bedouch. Mais pourquoi ne pas leur donner l’opportunité de se concentrer sur leurs fonctions initiales, d’autant plus face aux problèmes de recrutement. » Le recrutement de profils techniciens ou ingénieurs logisticiens en charge du pilotage informatique permettrait d’intégrer une expertise technique interne à la PUI et de libérer du temps pharmaceutique, un atout non négligeable alors que le champ d’expertise pharmaceutique s’accroît également.
Quand certaines PUI passent à l’acte
Certaines PUI ont sauté le pas, par exemple dans le domaine de la digitalisation et du traitement des données, domaine au sein duquel le besoin en expertise ne fait que s’accroître au sein des PUI. « Les PUI sont particulièrement consommatrices et génératrices de données de santé, il faut désormais un temps dédié à leur exploitation », rappelle le Pr Limat. Et de poursuivre : « La question de la collecte, du traitement de la donnée, de son utilisation, relève de l’expertise des data managers. » La PUI du CHU de Besançon a ainsi fait le choix d’en recruter un. « L’apport de ses compétences est significatif, reconnaît le Pr Limat. Cela nous a permis de progresser très rapidement en termes d’exploitation et de croisements de données. »
Historiquement, la PUI du CHU de Besançon dispose d’un pharmacien titulaire d’un DESC qualité, avec des fonctions dédiées au management de la qualité. « Le fait qu’elle détienne la double culture présente un réel avantage », reconnaît le Pr Limat.
À Grenoble, l’activité de stérilisation a été étendue et si « à l’origine, nous voulions recruter un pharmacien, finalement, nous avons embauché un ingénieur, dont nous sommes très satisfaits de l’expertise organisationnelle notamment, fait savoir le Pr Bedouch. Cependant, son intégration a nécessité un temps de réflexion interne à la PUI afin d’adopter une approche process et non corporatiste et métier. » La PUI recrute également des techniciens hospitaliers, pour du management d’équipe ou encore un contrôleur de gestion. « L’enjeu n’est pas que budgétaire, rapporte le Pr Bedouch. Les données pharmaceutiques sont un enjeu majeur sur l’ensemble du pilotage des processus du CHU concernant l’évolution de l’état de santé de la population. » Certains profils sont également partagés. C’est le cas pour l’informatisation avec une pharmacienne dont le temps est partagé entre la direction du numérique et la PUI. Sa mission : mettre en œuvre et développer l’informatique médicale et pharmaceutique.
Les limites au recrutement
Ces nouveaux métiers doivent trouver leur place dans les équipes pharmaceutiques, avec les pharmaciens et préparateurs en pharmacie ; souvent, ils se positionnent à l’interface des fonctions « régaliennes », ce qui conduit inévitablement à réfléchir sur les process internes. « Ces recrutements impliquent également d’effectuer des choix managériaux, pointe le Pr Limat. Car souvent, ces compétences vont être recrutées sur des supports de pharmaciens ou préparateurs en pharmacie, et non en plus. » Sans compter que certains pharmaciens affichent une forme de frilosité à partager des process avec des non-pharmaciens ; le sujet n’est pas encore totalement consensuel. Et la gestion séparée des personnels médicaux et non médicaux par les directions RH constitue un autre obstacle au recrutement de tels profils.
Dernière difficulté : la capacité à attirer ces profils. « Nous ne sommes pas des experts du recrutement, reconnaît le Pr Bedouch. Les directions RH doivent intégrer nos besoins dans leur logiciel et venir en appui afin de voir comment une partie du processus pharmaceutique pourrait être assurée par des nouveaux profils au sein de nos PUI. Dans ces enjeux de management et carrière, il y a urgence à faire connaître les possibilités. »
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