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Expertise PUI
Scientifiques

Parmi l’arsenal thérapeutique des oncologues, figurent depuis plusieurs années les thérapies ciblées avec les inhibiteurs de tyrosine kinase. Ces petites molécules présentent l’intérêt de pouvoir être administrées par voie orale. De cet avantage naissent aussi quelques limites que les pharmacologues tentent de déjouer.

Les tyrosine kinases jouent un rôle majeur dans le processus de cancérogenèse : ces enzymes permettent d’activer certaines protéines intra-cellulaires ou transmembranaires via le transfert d’un groupement phosphate issu de l’adénosine triphosphate (ATP). Une fois activées, ces protéines impliquées dans la signalisation intra-cellulaire, notamment en cas de dérégulation ou mutation, induisent la prolifération et la croissance cellulaire tumorale, tout en réprimant l’apoptose. Elles jouent également un rôle dans l’angiogenèse qui permet la diffusion métastasique.

Un cas bien connu de tyrosine kinase impliquée dans un cancer est celui lié à la présence du chromosome Philadelphie, présent dans les leucémies myéloïdes chroniques (LMC). Cette anomalie chromosomique est issue d’une translocation entre les chromosomes 9 et 22 et conduit à la naissance d’un gène hybride BCR/ABL qui code pour l’oncoprotéine BCR/ABL. Cette dernière est une tyrosine kinase dérégulée stimulant à la fois les signaux de prolifération cellulaire et réduisant les fonctions habituelles d’apoptose de la cellule. Elle entraîne ainsi la multiplication anarchique des globules blancs immatures.

Outre BCR/ABL, les principales tyrosine kinases ou plus généralement protéine kinases, impliquées dans les cancers sont les récepteurs HER (Human epidermal growth receptor), notamment l’EGFR, les récepteurs VEGFR (vascular endothelial growth factor receptor), les récepteurs PDGFR (platelet-derived growth factor receptor), la Tyrosine-kinase de Bruton (BTK), ainsi que les protéines BRAF et MEK.

L’intérêt des inhibiteurs de tyrosine kinase

La chimiothérapie conventionnelle agit sur les cellules à division rapide, sans discrimination entre les cellules des tissus normaux et les cellules tumorales. À l’inverse, les inhibiteurs de tyrosine kinase (ITK) ou inhibiteurs de protéine kinase, interfèrent avec des cibles intracellulaires spécifiques aux cellules tumorales. C’est pour cette raison que l’on parle de thérapie ciblée, pour leur affinité ciblant spécifiquement les cellules malades.

Ces ITK sont de petites molécules pouvant aisément pénétrer dans la cellule pour se fixer par compétition sur les sites de liaison à l’ATP des tyrosine kinases, qu’elles viennent ainsi bloquer.

Du fait de leur petite taille, ces molécules sont administrées sous la forme de thérapies actives par voie orale, permettant une prise en charge ambulatoire et contribuant ainsi à alléger le quotidien avec la maladie (absence de séances d’HDJ, traitement disponible en officine).

Des limites posées par la prise orale

Les ITK sont utilisés depuis plus de 20 ans. Ils ont des cibles très variées : outre de nombreuses hémopathies malignes (LMC, LLC, lymphomes), les ITK sont aussi utilisés pour des tumeurs solides (rein, foie, sein, ovaire, poumon, prostate, thyroïde).

Comme tout médicament, les ITK peuvent donner lieu à certains effets indésirables bien identifiés : troubles cutanés, gastro-intestinaux, troubles hématologiques (anémie, neutropénie, thrombopénie).

Par ailleurs, la voie orale du traitement introduit une nouvelle étape, à savoir la phase d’absorption du produit dans la circulation générale. Cette étape est à l’origine d’une variabilité inter-individuelle élevée signifiant que la pharmacocinétique du médicament peut être différente d’un individu à l’autre. Cette variabilité est à l’origine d’une exposition plasmatique à l’ITK différente selon les individus et pour une même dose administrée.

Les causes de variabilité sont multiples. Elles peuvent être pharmacologiques (en cas d’interactions médicamenteuses ou avec le repas), environnementales (en fonction de l’observance du traitement), métaboliques (polymorphisme du cytochrome CYP3A4) ou encore physiopathologiques (poids, sexe, origine ethnique, âge, fonction rénale, etc.).

Déjouer les limites et réduire la variabilité

Pour limiter les variations biologique et environnementale, le traitement doit être pris à heure fixe sans oubli de prise, en tenant compte des recommandations de prise par rapport aux repas et des interactions médicamenteuses identifiées (y compris la phytothérapie). La variabilité inter-individuelle peut être à l’origine d’un échec clinique et conduire à un changement d’ITK.

Les autorisations de mise sur le marché des ITK intègrent des schémas posologiques à doses fixes. Des posologies adaptées au poids n’ont pas montré d’intérêt dans la réduction de variabilité.

Effectuer un STP

Dans ce cadre, les ITK sont des molécules candidates au suivi thérapeutique pharmacologique (STP), qui consiste en un dosage plasmatique de l’ITK réalisé par prélèvement sanguin. Cette concentration plasmatique est comparée à la concentration cible thérapeutique, lorsque celle-ci a été définie lors d’études pharmacocinétiques, et permet alors une adaptation posologique. Cette corrélation entre la concentration et l’effet clinique souhaité n’est pas établie pour tous les ITK : pour certains d’entre eux, on dispose d’un bon niveau de preuve, pour d’autres moins.

Ce dosage reste néanmoins une photographie de la concentration de l’ITK dans le sang à un moment T. Il faut corréler cette observation à deux autres paramètres que sont l’heure du prélèvement et l’heure de la prise de l’ITK, permettant, à partir de certains modèles, d’extrapoler l’exposition plasmatique du patient à l’ITK.

Pour l’interprétation du STP : si l’on a donné à un patient la dose standard de traitement et qu’on constate un manque de réponse clinique, il est alors possible de déterminer si ce manque est dû à une concentration sub-inhibitrice (sous la cible) ou alors à un échappement tumoral. Dans ce cas, la concentration de l’ITK est dans la cible, mais avec un effet clinique restreint. On peut ainsi ajuster le traitement en augmentant la dose ou en changeant l’ITK selon la situation. On est ainsi dans le cadre d’une médecine personnalisée.

Pour certains ITK où le niveau de preuve du STP est élevé, celui-ci est entré dans le suivi standard de traitement : le dosage est réalisé systématiquement, car les valeurs cibles sont connues, ce qui présente un intérêt. C’est notamment le cas en hématologie dans le traitement de la LMC, ou pour des tumeurs solides. Pour d’autres ITK, le suivi sera réalisé plus ponctuellement.

Les ITK présentent l’intérêt d’être des thérapies orales, ce qui procure une certaine autonomie au patient. Mais de cet avantage découlent des limites, pouvant nécessiter la réalisation d’un suivi thérapeutique pharmacologique pour une optimisation du traitement.

Avec l’aimable contribution du Dr Christophe Bardin, responsable pharmacie clinique oncologie-hématologie au GH Cochin (AP-HP).

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