L’objectif des tutelles est désormais de construire une stratégie nationale ambitieuse et inclusive sur l’IA en santé, dont la feuille de route devrait être publiée avant l’été 2025. Elle sera élaborée en concertation avec l’ensemble des acteurs concernés (patients, soignants, industriels, chercheurs, citoyens) dans le cadre d’une task force dédiée, au sein du Conseil du numérique en santé. Cette feuille de route entend anticiper les évolutions technologiques et les nouveaux usages tout en veillant à leur pertinence, à leur sécurité et à leur impact éthique au service des patients et des professionnels.
Deux appels à projets
Yannick Neuder a également annoncé un investissement de 119 millions d’euros dans la formation d’environ 500 000 soignants dès septembre 2025 sur l’utilisation de l’IA afin de leur permettre d’utiliser ces outils dans leur travail quotidien et d’optimiser la prise en charge des patients.
Deux appels à projets vont aussi être lancés dans les prochaines semaines.
- Le premier, IMPACT IA, aura pour finalité de tester, en conditions réelles, les dispositifs médicaux numériques intégrant de l’IA et d’évaluer leur impact sur l’organisation et les usages dans les établissements de santé et médico-sociaux.
- Le second consistera en l’évaluation des nouvelles approches méthodologiques en recherche clinique afin de démontrer la valeur des cohortes synthétiques et des essais simulés, notamment dans les maladies rares, où l’IA permet de pallier le faible nombre de patients disponibles pour des études traditionnelles.
Enfin, un observatoire des usages de l’IA en santé en lien avec la DGOS et l’Agence nationale de la performance sanitaire et médico-sociale (ANAP) sera mis en place afin de mettre en lumière les freins et les leviers existants pour construire une politique publique structurée d’accompagnement au changement et de soutien à la diffusion.
Les avancées déjà actées
En parallèle de cette feuille de route dédiée à l’IA, il est déjà possible d’effectuer un état des lieux du déploiement de l’IA en santé ; la feuille de route du numérique en santé 2023-2027 posant les bases de sa diffusion avec quatre axes privilégiés.
Axe 1 - La prévention
Objectif : développer la prévention et rendre chacun acteur de sa santé avec les systèmes d’IA.
Parmi les actions en cours :
un accompagnement au développement d’innovations embarquant l’IA au service d’une santé préventive et participative ;
des financements dédiés à l’évaluation de l’IA au service de la prévention pour passer des expérimentations à la pratique clinique ;
la plateforme des données de santé (HDH) : une plateforme technologique dédiée aux usages de l’IA en santé, notamment pour développer des outils de diagnostic et de dépistage.
Axe 2 - La prise en charge
Objectif : redonner du temps aux professionnels de santé et améliorer la prise en charge des patients avec l’appui de l’IA.
Parmi les actions en cours :
les formations des professionnels aux usages de l'IA ;
l'accompagnement pour la sélection de technologies numériques et des systèmes d'IA (SIA) pertinents pour les professionnels et les établissements ;
le développement des guides de bonnes pratiques à destination des utilisateurs focalisés sur les questions liées aux usages de l'IA générative dans les pratiques (HAS) ;
L'accompagnement au déploiement des IA en santé dans les structures de soin.
Axe 3 - L’accès à la santé en intégrant des outils d’IA dans les parcours des patients.
Parmi les actions en cours :
un développement des usages de l'IA dans un cadre éthique adapté ;
une facilitation et sécurisation de l'accès aux dispositifs médicaux avec IA grâce à un cadre réglementaire favorisant l'IA de confiance ;
l'engagement des Agences régionales de santé afin de structurer et accélérer l'innovation en IA en santé pour un ancrage territorial renforcé.
Axe 4 - Un cadre propice
Objectif : déployer un cadre propice pour le développement des usages et la construction d’un modèle économique durable de l’IA en santé
Parmi les actions en cours :
une stratégie d'utilisation secondaire des données de santé ;
PariSanté Campus, un campus de recherche, de formation, d'innovation et d'entreprenariat pour accompagner les innovateurs d'IA en santé et développer la collaboration public-privé ;
Une recherche en santé capitalisant sur l'intelligence artificielle ;
un cadre de confiance à mettre en place pour favoriser l'appropriation ;
la génération de preuves nécessaires pour étudier un modèle économique durable.
Il sera possible d’en savoir davantage sur les ambitions des tutelles à l’été 2025.
À retenir du règlement européen sur l’IA pour la santé
Le règlement européen sur l’intelligence artificielle (IA Act), adopté en mai 2024 et publié en juillet, pose un cadre juridique clair et harmonisé pour encadrer les usages de l’IA dans l’Union européenne. Il s’appliquera progressivement jusqu’en 2027 et sera aussi contraignant que le RGPD, avec des sanctions allant jusqu’à 7 % du chiffre d’affaires mondial en cas de non-conformité.
Ce règlement ne cible pas la technologie en elle-même, mais les usages de l’IA, en les classant selon leur niveau de risque : risque inacceptable (interdits), élevé (encadrés), ou limité (transparence exigée).
Dans le domaine de la santé, de nombreuses applications sont considérées comme à haut risque (risque élevé), ce qui implique des exigences strictes : qualité et traçabilité des données, contrôle humain, documentation technique, marquage CE, cybersécurité, et information du patient sur l’usage de l’IA.
Pour les pharmaciens hospitaliers, déjà impliqués dans la gestion des risques via la pharmacovigilance ou la matériovigilance, ce nouveau cadre est en grande partie transposable à leurs pratiques. Ils sont appelés à jouer un rôle actif dans la supervision des systèmes d’IA comme ceux utilisés par les systèmes d’aide à la décision pharmaceutique (SADP).
Un principe central du règlement est celui de la garantie humaine : un système d’IA, aussi performant soit-il, doit pouvoir être supervisé par un professionnel de santé. Cette garantie passe par un suivi collégial, une évaluation régulière et une traçabilité des décisions prises avec l’aide de l’IA.
Enfin, la question de la responsabilité reste un enjeu clé. En cas de dysfonctionnement, le professionnel qui a la maîtrise du processus de soins – médecin ou pharmacien – peut être tenu responsable, sauf si le défaut provient de la conception du système. Une évolution du droit européen est en cours pour mieux prendre en compte les IA auto-apprenantes et génératives.
L’Anap en appui méthodologique pour l’intégration de l’IA dans les outils d’aide à la décision pharmaceutique
Cela fait quelques années que des équipes travaillent sur les systèmes d’aide à la décision pharmaceutique (SADP), la plupart du temps au sein des activités de pharmacies cliniques des établissements.
L’Anap (Agence nationale d'appui à la performance) s’est saisie du sujet et accompagne la communauté de pratiques IA-Pharma via un groupe de travail, qui a publié en octobre dernier un glossaire utilisé en IA & Pharmacie, afin que toutes les équipes qui travaillent sur le sujet parlent le même langage.
Ils viennent de publier, en mars 2025, « Algorithme pharmaceutique et base de connaissances », un document qui vise à permettre aux équipes de pharmacie clinique qui travaillent sur les SADP de généraliser la sécurisation de la prise en charge médicamenteuse du patient.
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