Les types d’essais cliniques
Les essais plateformes
Pendant longtemps, un essai clinique correspondait à un protocole qui permettait de répondre à une question principale objectivée pour un critère d’évaluation. Désormais, lorsqu’un essai est initié, l’objectif est de répondre à plusieurs questions en même temps pour bénéficier au maximum de ces résultats. En plus de chercher à connaître l’effet « moyen » d’une intervention (nouveau traitement, nouvelle approche chirurgicale, nouveau test théranostique etc.), la finalité consiste également à évaluer l’effet selon les caractéristiques moléculaires des tumeurs. Ces essais dits « plateformes » sont organisés en deux sous-types :
- Les essais « parapluie » : ils s’intéressent à un seul type de cancer présentant plusieurs mutations. Dans ce type d’essais, plusieurs traitements sont alors testés. Ainsi, pour chaque patient inclus, une analyse du profil moléculaire de la tumeur est effectuée ainsi que l’identification d’anomalies survenant dans les gènes de la tumeur, le patient recevant ensuite un traitement ciblant la mutation détectée. Parfois, seuls 15 à 20 % des patients peuvent être inclus car pour certaines anomalies survenant dans les gènes de la tumeur, il n’existe pas de molécule connue à tester. De même que certains patients ne présentent pas d’anomalie spécifique. Ils bénéficieront donc du traitement de référence.
Exemplew255: les patientes présentant un cancer du sein avec une amplification du gène HER2 peuvent recevoir en traitement de référence l’anticorps monoclonal ciblant HER2. Si les cellules tumorales n’expriment pas ce gène, la molécule n’aura aucun effet, les patientes reçoivent alors uniquement un autre traitement.
Les essais « paniers » ou « baskets » : ils s’intéressent à une mutation spécifique retrouvée dans plusieurs maladies ou sous types de maladies. Ce sont des essais dits tumeur-agnostique, car ils ne dépendent pas du site tumoral mais du profil moléculaire. Dans ce cadre, une seule molécule, spécifique de l’anomalie, est testée. Les patients inclus doivent présenter une anomalie précise, connue pour répondre au traitement.
Exemple : le premier traitement approuvé par l’EMA (European Medical Agency) et la FDA (Food and Drug Administration) pour ce type d’essai est dirigé contre le gène de fusion NTRK.
Les essais « multi-bras – multi-étapes »
Les essais « multi-bras – multi-étapes » évoluent dans le temps par l’ajout de nouveaux bras en raison du développement de nouveaux traitements candidats. Les essais sont pensés ainsi dès leur conception. Cette démarche est lourde à élaborer au préalable, mais elle améliore l’attractivité pour les industriels souhaitant tester de nouvelles molécules. Il s’agit également d’une opportunité pour les patients, les médecins prenant l’habitude de les inclure dans ce type d’essai, faute de traitements connus et satisfaisants pour leur pathologie.
Exemple : l’essai « AcSé eSMART » en pédiatrie, promu par Gustave Roussy, a été lancé avec sept molécules différentes. Dix ans plus tard, dix-sept molécules peuvent être proposées aux patients. Les inclusions de patients continuent, ceux déjà inclus mais encore malades au sein de leur bras de traitement pouvant être orientés dans un autre bras de traitement.
Les essais orphelins
Les essais orphelins sont destinés aux maladies orphelines c’est-à-dire celles pour lesquelles il n’existe pas de traitement ayant montré son efficacité. Ces maladies rares et plurifactorielles font peu l’objet de recherche clinique, la finalité étant de trouver un traitement spécifique ciblant une molécule en évitant la résistance des autres facteurs.
Ces essais orphelins sont majoritairement portés par les promoteurs académiques avec la volonté d’un résultat clair : soit les résultats sont exceptionnels, soit la recherche est arrêtée.
C’est l’exemple de l’essai ASI-DNA comme radio-sensibilisant pour le traitement des tumeurs cérébrales de l’enfant, promu par l’Institut Curie.
La méthodologie des essais
La méthodologie des essais a, elle aussi, évolué. Le plus souvent les essais cliniques sont randomisés et en aveugle. Les patients sont donc tirés au sort pour être intégrés soit dans le bras témoin, soit dans le bras expérimental :
Le bras témoin représente les patients recevant le traitement de référence (ou le placebo). Ce bras est essentiel pour évaluer l'efficacité et la sécurité du traitement en cours d'essai, en ayant un point de comparaison.
Le bras expérimental représente les patients recevant le traitement expérimental et qui permet de répondre à l’objectif de l’essai.
Cette méthodologie pose, dans certains cas, problème aux médecins. Ne pouvant pas choisir le traitement que vont recevoir leurs patients, ils peuvent rencontrer des difficultés à les convaincre d’être inclus dans l’essai.
Face à cette problématique, une nouvelle méthodologie a été développée : les « essais émulés » qui présentent :
Un bras synthétique ou bras externe ou jumeaux numérique : il a le même rôle que le bras témoin. Il est le point de comparaison pour l’efficacité de la nouvelle solution thérapeutique. Cependant, les données analysées ne proviennent pas de l’essai en cours mais d’autres sources notamment d’essais réalisés précédemment ou extraites du parcours du patient.
Un bras expérimental dans lequel sont inclus tous les patients de l’étude. Les données obtenues sont ensuite comparées aux données du bras synthétiques.
L’objectif avec ces essais est de trouver, dans la base de données, des patients très proches de ceux inclus dans l’essai. Cependant, leurs profils sont souvent éloignés de ceux inclus dans les essais thérapeutiques, notamment parce qu’ils sont souvent pris en charge plus tardivement et présentent davantage de comorbidités. Conséquence : il est plus difficile d’en déduire si les différences observées sont dues aux traitements ou à la différence de profils des patients. Un important travail statistique doit être mené pour chercher à corriger ces différences. Pour autant, les données restent hypothétiques. Le risque d’erreur reste plus important que pour un essai « classique » avec un bras témoin.
Exemple : À partir des bases de données CANTO (cancer sein) et ESME qui regroupe les données de dizaines de milliers de patients traités dans les centres de lutte contre le cancer français, d’Unicancer, des essais de ce type sont actuellement menés chez des patientes en récidive d’un cancer du sein pour connaître l’effet de traitements ciblés ou chez des patientes présentant un cancer du sein avec un très bon pronostic, afin de savoir s’il est possible de supprimer l’hormonothérapie en fin de parcours. De nombreuses données à large échelle existent dans les bases hospitalières concernant des patientes prises en charge par hormonothérapie. En l’absence d’évolution majeure dans la prise en charge de ce cancer et lorsque les patientes sont globalement comparables au cours du temps, les données externes peuvent être utilisées comme bras synthétique en complément des essais randomisés, qui demeurent le gold standard pour éviter les facteurs de confusion.
D’après les explications du Pr Xavier Paoletti, statisticien de formation et directeur de la recherche clinique à l’Institut Curie.
- Les essais « plateforme » répondent à plusieurs objectifs pour un même essai et regroupent les essais parapluie et les essais baskets.
- Essai « parapluie » : un cancer, plusieurs mutations, plusieurs traitements testés
- Essais « basket » : plusieurs cancers possibles, une mutation, un traitement testé
- Bras synthétique = jumeaux numériques : données issues de la littérature qui seront comparées aux données d’un nouveau traitement expérimental. Il permet à tous les patients de recevoir le traitement expérimental mais augmente les biais d’interprétation.
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