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Expertise PUI
Scientifiques

Dans l’imaginaire collectif, les aiguilles sont intimement associées à l’idée de vaccination. Et pourtant, de plus en plus de solutions pour administrer utilisent des patchs pour stimuler le système immunitaire. Un gain de logistique et peut-être d’efficacité ? C’est ce que les spécialistes espèrent.

En finir avec les aiguilles et les frigos à 4 °C sans renier l’efficacité de la vaccination ? Ce serait désormais possible avec la vaccination par patch. « Ce n’est pas une idée neuve, il s’agit d’une vaccination intradermique, comme celle utilisée pour la variole », rappelle Béhazine Combadière, chercheuse Inserm qui dirige le Centre d’immunologie et de maladies infectieuses à Paris. Le derme est le tissu conjonctif de la peau. « C’est une région intéressante pour la vaccination, elle contient des cellules présentatrices d’antigènes », précise la biologiste. On y trouve ainsi les cellules qui digèrent les agents pathogènes et en présentent de petits morceaux aux lymphocytes T afin d’activer la réponse cellulaire du système immunitaire. En injectant un vaccin dans ces quelques millimètres de peau, la mise en mémoire de la réponse immunitaire est ainsi améliorée1. Béhazine Combadière complète : « On injecte généralement les vaccins dans le muscle. Mais parfois, dans ce tissu, il n’y a pas assez de cellules immunitaires pour induire une réponse suffisante pour la vaccination. C’est pour cela qu’on s’intéresse au derme. » Mais la technique historique faisait appel à des aiguilles bifurquées, difficiles à manier, à savoir une aiguille à deux pointes parallèles avec laquelle il fallait piquer une quinzaine de fois une petite zone de la peau pour compléter la vaccination antivariolique. « Avec les patchs, on résout la difficulté technique et on évite qu’une injection sur deux n’arrive pas dans le derme », poursuit la spécialiste. Ce système simplifie donc grandement la délivrance du vaccin. Encore faut-il passer à travers l’épiderme, la couche la plus externe de la peau. « Les composants [substances actives et adjuvants, NDLR] d’un vaccin sont beaucoup trop gros pour franchir cette barrière », rappelle la biologiste.

Quel patch ?

Pour franchir l’obstacle, il existe plusieurs solutions et autant de types de patchs vaccinaux. Une première approche a été développée, au début des années 2000, par Gregory Glenn, au sein de la biotech IOMAI, aujourd’hui cédée à Intercell. Il s’agit de patchs transdermiques associés à une abrasion superficielle2.

Béhazine Combadière et son équipe de l’Inserm ont proposé d’ouvrir quelques follicules pileux, avec une technique d’épilation à la glu, pour accéder au derme3. Ces scientifiques français ont voulu tester cette technique pour un vaccin contre la grippe. Ce dispositif a été testé en phase 1 mais abandonné parce qu’ils ne peuvent pas concurrencer l’approche intramusculaire en termes de production d’anticorps neutralisant, qui garantissent l’efficacité de la réponse vaccinale4.

D’autres équipes ont imaginé des microaiguilles pour percer l’épiderme et délivrer la formule vaccinale dans le tissu d’intérêt. C’est le concept proposé en 2010 par Marc Kendall, ingénieur à l’Université de Queensland5. On peut même concevoir des patchs résorbables, en polymères glycopeptidiques comparables à ceux utilisés pour les sutures résorbables, qui se décomposent sur la peau, au terme du processus de vaccination6.

Pour quel vaccin ?

Peut-on pour autant dire que ces vaccins sont mieux que les systèmes à injection intramusculaire ? « Non, la réponse au vaccin va dépendre du type de vaccin et de la pathologie, précise Béhazine Combadière. Dans certains cas, l’administration intradermique va entraîner une réaction immunitaire importante, avec un gonflement, une rougeur voire de la douleur. Si la réaction est trop forte, cela va nuire à l’acceptabilité du vaccin. Cela doit être pris en compte. »

De même que toutes les compositions de vaccins ne seront pas compatibles avec cette possibilité d’administration. « Les vaccins à ARNm induisent de fortes réactions lorsqu’ils sont injectés en intramusculaire, ils ne sont donc pas adaptés pour les patchs », explique la spécialiste. Ces derniers concernent plutôt les vaccins à base de protéines recombinantes. « On va y associer des adjuvants, différents de ceux des vaccins injectables », poursuit Béhazine Combadière.

Autre différence : la dose. « Avec cette méthode, on utilise aussi cinq à dix fois moins de vaccin qu’en intramusculaire », précise la chercheuse. Le patch n’est donc pas seulement un autre conditionnement du vaccin. Il nécessite un développement complet.

« Ces recherches sont particulièrement difficiles parce qu’elles associent deux communautés scientifiques qui n’ont pas l’habitude de travailler ensemble : d’une part les ingénieurs qui développent les patchs et de l’autre les immunologistes qui étudient la réponse vaccinale dans le derme », raconte l’immunologiste. Et ce n’est que le problème initial. En bout de course, pour accéder au marché, il faudra démontrer la supériorité par rapport à leur équivalent intramusculaire, soit en termes d’efficacité vaccinale, soit d’amélioration de la délivrance.

Mener des évaluations

Le défi est relevé et plusieurs sociétés conduisent actuellement des essais cliniques avec des patchs vaccinaux. C’est le cas contre le covid avec un patch qui présente deux mille micro-aiguilles de titane enduites de vaccin associant des peptides de coronavirus à des nanoparticules d’or7. Mais d’autres systèmes de vaccination contre le covid sans aiguille sont ou ont été l’objet d’études cliniques en Europe, aux États-Unis, en Asie ou en Afrique8.

Des dispositifs de ce type sont aussi évalués pour protéger contre la dengue, la grippe, le VIH, Zika, l’orthohantavirus Andes (responsable de pathologies respiratoires en Amérique du Sud) ou encore la varicelle. L’avantage logistique que confère cette méthode de délivrance explique l’engouement constant. Un vaccin par patch, qui se conserve à température ambiante et s’administre sans formation médicale, aiderait grandement l’accès à la vaccination de populations éloignées des centres de soins, sans parler des anxieux des aiguilles.

Mais Béhazine Combadière calme les esprits : « Le patch n’assure pas forcément l’efficacité du vaccin. Il peut échouer à initier une réponse humorale suffisante. La difficulté est de trouver la bonne combinaison maladie/forme de vaccin/type de patch. Pour l’instant aucun produit n’a vraiment cliniquement fait ses preuves mais c’est réjouissant de voir que la recherche clinique progresse. »

Références :
1. B. Combadiere et C. Liard, Human Vaccines (2011) 7:8, 811-827.  doi: 10.4161/hv.7.8.16274.
2. J. Yu et al., Infect Immun (2002) 70(3):1056-68. doi: 10.1128/IAI.70.3.1056-1068.2002.
3. A. Vogt et al, J Immunol (2008) 180:1482-1489 doi: 10.4049/jimmunol.180.3.1482.
4. B. Combadière et al. PLoS One (2010) 5(5):e10818. doi: 10.1371/journal.pone.0010818.
5. T.W Prow et al. Small (2010) 6(16):1776-84. doi: 10.1002/smll.201000331.
6. P.C. DeMuth et al., Nat Biotechnol. (2013) 31(12): 1082–1085. doi: 10.1038/nbt.2759.
7. A Phase-I Study of a Nanoparticle-based Peptide Vaccine Against SARS-CoV-2.
8. https://www.clinicaltrials.gov.

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