« La possibilité pour les PUI de fabriquer des médicaments via le statut de préparation existe depuis toujours, il s’agit de la base du travail d’apothicaire, rappelle Maxime Annereau, pharmacien à Gustave Roussy, responsable du projet. C’est dans ce cadre que nous avons recours à l’imprimante 3D, c’est-à-dire pour adapter la forme et la dose des médicaments pour un public cible notamment en oncologie pédiatrique et gériatrique. » Cette production sur mesure se fait dans un contexte de routine, hors du cadre d’essais cliniques classiques.
Répondre à un besoin
L’amélioration de l’observance des patients et la personnalisation des soins guident la démarche de la PUI. « De nombreux médicaments ne sont, par exemple, pas adaptés à la pédiatrie, ne serait-ce que pour la forme ou pour le goût », indique le pharmacien. Il est très difficile de faire prendre un comprimé à un enfant de deux ans. Généralement, les parents l’écrasent, au domicile, sans nécessairement respecter la bonne conduite à tenir. Des particules du médicament vont alors être présentes dans toute la maison et inhalées par l’ensemble de ses habitants.
Les doses peuvent aussi ne pas être adaptées. « En gériatrie, les personnes âgées ne peuvent pas prendre les mêmes doses que les adultes, en raison de leurs organes plus fragiles », rappelle Maxime Annereau. Conséquences : certains traitements ne sont pas dispensés ou les prises sont plus ou moins adaptées, entraînant une perte de chance pour les patients.
Face à cette problématique, historiquement, la PUI a commencé par fabriquer des gélules permettant d’abord d’adapter les doses. « Nous avons aussi proposé des solutions buvables, mais généralement, le goût n’est pas très bon et la molécule reste instable, explique le pharmacien hospitalier. Pour autant, nous avons développé huit solutions en suspension buvable en oncologie, permettant de répondre à 70 % des problématiques rencontrées avec les traitements. » Les pharmaciens ont poursuivi leur recherche afin de trouver une technologie combinant tous les avantages (posologie, forme et goût) avec l’imprimante 3D. Ils peuvent ainsi produire une forme sèche, donc stable, adapter les doses aux besoins et masquer le goût de manière plus efficace. « Nous pouvons aussi fabriquer des comprimés avec plusieurs principes actifs, permettant ainsi de réduire le nombre de prises de médicaments », précise Maxime Annereau.
Actuellement, environ 50 patients de Gustave Roussy bénéficient de ces médicaments fabriqués par l’imprimante 3D, certains étant produits sous forme de gommes souples et faciles à mâcher. D’un point de vue réglementaire, la PUI n’a pas de réglementation spécifique à respecter. « L’imprimante 3D n’est qu’un outil permettant de s’adapter aux besoins, rappelle le pharmacien. Nous n’avons pas de contrôle supplémentaire de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), nous devons seulement respecter les Bonnes pratiques de préparation (BPP) de 2023. »
Un essai clinique en cours
La PUI est cependant en train de déployer un premier essai clinique sur un antibiotique en pédiatrie, pour la prévention des effets indésirables des chimiothérapies dont le goût ne plaît pas aux enfants. Il aurait également la forme d’un film orodispersible. « Nous n’avons pas besoin de mener de manière systématique des essais cliniques dès lors que la production de nos médicaments bénéficie à notre patientèle, explique Maxime Annereau. Cependant, concernant cet antibiotique, nous voudrions avoir une preuve de concept pour proposer notre médicament à d’autres établissements dans la prise en charge des enfants notamment parce qu’ils sont nombreux à être concernés (+ de 500). Il s’agit d’une question de besoin et d’opportunité. » La discussion est justement en cours avec l’ANSM pour permettre la mise en œuvre réelle de l’essai clinique, pour un coût d’environ un million d’euros pris en charge par Gustave Roussy. « Un autre essai clinique aurait dû voir le jour pour les femmes atteintes d’un cancer du sein afin de produire des comprimés en multicouches et ainsi réduire le nombre de prises, indique Maxime Annereau. Le dossier avait été accepté par l’ANSM, qui nous a finalement demandé, au dernier moment, de prouver que la pharmacocinétique de notre médicament était similaire, et ce en amont de l’essai clinique. Une demande qui doublait le montant de l’investissement et qui nous a contraint, pour le moment, de reporter la tenue de cet essai clinique. »
L’ensemble de cette production est financé par Gustave Roussy. Cependant, « les préparations peuvent s’autofinancer car nous avons le droit de les vendre dans le cadre de la dispensation interne et de sous-traitances entre établissements, indique-t-il, précisant que l’imprimante produit une gomme toutes les treize secondes. Aujourd’hui, nous pouvons donc être à l’équilibre. » Et d’ajouter : « Le coût de l’imprimante n’est pas nécessairement bon marché, mais elle n’est pas trop chère pour autant. Financièrement, un établissement a tout intérêt à investir dans cette technologie plutôt que d’avoir, ne serait-ce, que trois à quatre réhospitalisations de patients pour non-observance, ce qui coûterait plus cher. » La technologie se diffuse progressivement puisque quatre CHU français (Nîmes, Angers, Robert Debré à Paris, et Gustave Roussy) sont dotés de cette technologie, ainsi qu’une trentaine d’établissements en Europe.
Nos actualités
Le comité d'experts indépendants
Fait par des pharmaciens hospitaliers, pour des pharmaciens hospitaliers ! L'ensemble de nos contenus sont pensés et rédigés par un comités d'experts indépendants, cela pour mieux vous accompagner dans vos pratiques quotidiennes.