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Expertise PUI
Scientifique

À la tête de la direction de la Recherche et du Développement d’Unicancer depuis janvier 2022, le Pr Muriel Dahan, pharmacienne de formation, a pour mission le développement de la recherche d’Unicancer, en lien avec celle des Centres de lutte contre le cancer (CLCC) et de ses partenaires.

Quel est le rôle de la direction R&D d’Unicancer ?

Muriel DAHAN - Unicancer est une fédération de lutte contre le cancer qui rassemble 18 CLCC répartis sur le territoire métropolitain et deux centres associés à Avignon et en Polynésie Française. Ces établissements de santé privés à but non lucratif sont entièrement consacrés au cancer : de la recherche à la prévention, en passant par le diagnostic, l’imagerie, les soins curatifs ou encore les soins de support. Chaque centre mène une activité de recherche fondamentale, de transfert, translationnelle, de phase précoce, ainsi que d’autres, de plus grande ampleur, en phase II et III, à l’échelle nationale et internationale. Lorsque des centres ne sont pas suffisamment importants ou lorsqu’ils souhaitent élargir le champ de leur recherche, nous pouvons, au niveau de notre direction, être promoteur d’essais cliniques.

Comment est-elle organisée ?

Muriel DAHAN - Notre direction, qui rassemble 165 personnes, est notamment structurée autour de groupes de recherche, chacun réunissant des oncologues de toute la France, soit par organe, soit sur des thématiques plus transversales telles que la radiothérapie, la médecine personnalisée, l’oncogériatrie, les soins de support, les cancers rares, ainsi qu’une unité chargée de la recherche translationnelle. Nous venons aussi de créer un groupe de recherche pharmaceutique. Nous accompagnons ces groupes avec des pôles chargés notamment des process administratifs et réglementaires, de la qualité et de la pharmacovigilance, de la rédaction médicale ou des questions juridiques pour la gestion des contrats. Des groupes associés peuvent également interagir avec notre direction. C’est le cas notamment d’un groupe de recherche sur la pharmacologie clinique oncologique. Par ailleurs, les patients sont associés à nos travaux. Ils tiennent une place de premier rang, car s’ils n’adhèrent pas aux projets de recherche, ces derniers n’ont pas lieu d’être. Nous veillons à ce que la recherche soit mieux comprise et acceptée.

Quelles sont les principales orientations de recherche d’Unicancer ?

Muriel DAHAN - Nous portons à la fois nos propres thématiques mais aussi celles remontées du terrain en sachant que chaque groupe de recherche dispose de son propre agenda et de ses objectifs. Ainsi, chaque spécialité dispose d’intergroupes réunissant des professionnels de tous les établissements et avec lesquels nous travaillons à la réalisation d’essais cliniques, ce qui nous permet de promouvoir plus de 120 essais cliniques en cours, nationaux ou internationaux, auxquels s’ajoutent ceux de chaque CLCC. Le groupe porte donc 800 essais cliniques environ. Nous menons également des essais purement académiques pour lesquels nous répondons à des appels à projet du ministère de la Santé, de l’Institut national du cancer (INCa), la Ligue, l’ARC ou encore des programmes européens, afin d’obtenir des financements (PHRC-K, PREPS, etc.).
Cette activité est en croissance, aussi parce que nous nous devons de suivre l’innovation, et de tenir un rythme nous permettant de répondre à des questions de façon plus réactive. Même si le cœur des recherches porte toujours sur les traitements considérés comme classiques, nous travaillons également sur des thérapies plus innovantes telles que les immunothérapies, les anticorps bispécifiques, les anticorps conjugués ou encore les médicaments de thérapie innovante (MTI). Ces thérapeutiques, communes à plusieurs types de cancers, concentrent un grand nombre d’essais cliniques, tout comme les biomarqueurs prédictifs de l’efficacité des thérapeutiques. L’enjeu de la découverte de nouvelles molécules notamment dans le domaine de l’immunothérapie, de la radiothérapie, la place de l’ADN circulant (biopsie liquide) ou encore la médecine personnalisée conduit à la remise en cause de nos pratiques cliniques. C’est infini mais passionnant et cela contribue à faire progresser la prise en charge de nos patients.

Cette évolution implique-t-elle l’inclusion des nouvelles méthodologies ?

Muriel DAHAN - Il s’agit effectivement d’une orientation que nous avons lancée avec le Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) dans le cadre du plan France 2030, qui vise notamment à investir massivement dans les technologies innovantes. Certes, la médecine fondée sur les preuves (ou Evidence Based Medicine) est fondamentale mais il faut profiter de l’existence de nouveaux outils offerts par le numérique et l’Intelligence artificielle (IA) pour rénover la recherche clinique et faire en sorte que nous puissions réaliser des essais irréalisables auparavant. 
C’est le cas par exemple des pathologies rares, pour lesquelles nous avons trop peu de patients pour randomiser des essais avec deux bras. Nous pouvons donc remplacer l’un d’eux par un bras numérique, qui sera le bras comparateur, tandis que les patients recevront le traitement expérimental. Nous réfléchissons à la preuve de concept, car ce type de dispositif n’est pas encore admis par la Haute Autorité de santé (HAS) ou à l’échelle internationale. Les chercheurs y travaillent, afin d’en démontrer la pertinence. Autre exemple avec les essais plateforme, qui permettent d’identifier les marqueurs biologiques afin d’agir sur des cibles communes à plusieurs types de cancer. Ou encore les essais adaptatifs à plusieurs bras permettant, lorsque le patient évolue dans sa pathologie, de le faire changer de bras et de faire évoluer le design en fonction des résultats. Cette réactivité en temps réel nous permet d’adapter ses traitements et de suivre plus rapidement l’innovation. Les essais cliniques décentralisés sont aussi indispensables face à la prise en charge des patients à domicile et impliquent d’y déployer la recherche clinique. L’ensemble des acteurs doit pouvoir s’y investir, notamment les médecins et infirmiers libéraux, biologistes ou pharmaciens d’officine. L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) mène actuellement un travail pour modifier la législation afin que les cabinets de ville puissent devenir des lieux de recherche.
Nous nous dirigeons donc de plus en plus vers cette médecine personnalisée. Ces nouvelles méthodologies, qui devraient rénover l’EBM, jusqu’alors fondée sur l’essai randomisé de phase III, permettront de l’enrichir pour nous offrir de nouvelles découvertes scientifiques et de mieux comprendre la place réelle de chaque innovation dans l’arsenal thérapeutique, qui évolue dans le temps, en fonction des données dites de vie réelle et de l’arrivée d’autres innovations, médicamenteuses ou non (pratiques chirurgicales, en radiothérapie, dispositifs médicaux, cibles biomoléculaires, numérique, etc.).

Cette évolution implique une adaptation des chercheurs. Comment est-elle appréhendée ?

Muriel DAHAN - Face à cette réalité, l’adaptation est un enjeu énorme et il nous reste encore beaucoup de chemin à parcourir. D’ailleurs, l’Agence de l’innovation en santé (AIS) a mis en place des groupes de travail pour que les méthodologistes, les statisticiens et les oncologues travaillent de concert sur ces innovations et en définissent les contours. Car aujourd’hui, les méthodes ne sont pas encore totalement définies. De fait, en dehors de quelques pionniers, les chercheurs ne sont pas encore totalement formés à l’usage et nous devons adopter une démarche structurée. Pour le moment, cela reste encore à la marge. L’IA est certes utilisée pour le screening des patients, pour le contourage en radiothérapie ou pour des diagnostics plus précoces. De même, les jumeaux numériques sont utilisés dans la recherche fondamentale et dans le soin, mais pas encore dans la recherche clinique. Toutes les garanties doivent être assurées avant d’envisager un plein déploiement harmonieux et rigoureux. Nous avançons progressivement, et les professionnels doivent être formés au même rythme.

Quelle place les pharmaciens devraient-ils investir dans le domaine de la recherche ?

Muriel DAHAN - La formation de pharmacien est scientifique par définition. Dans la recherche, ce sont surtout des biologistes et des médecins qui s’investissent, et quelques pharmaciens. Ils jouent déjà un rôle fondamental dans la préparation et la sécurité du circuit des médicaments expérimentaux. Au sein de notre direction, nous avons déployé un nouveau groupe de recherche depuis octobre 2024 : PharmUniK. Il donne une opportunité aux pharmaciens des CLCC, en lien avec d’autres professionnels de santé, d’avoir un abord pharmaceutique dans le cadre de programmes de recherche. Nous avons déjà un projet en cours, issu d’une collaboration étroite médecins-pharmaciens, visant la réutilisation de médicaments anticancéreux oraux non utilisés. Les critères doivent être définis afin de ne pas prendre le moindre risque pour les patients. Le rôle des pharmaciens est déjà identifié comme essentiel dans le parcours patient mais il pourrait être encore renforcé dans le domaine de la recherche.

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