À la suite de la consultation d’annonce, les patients suivis dans le service d’oncologie de l’hôpital privé Arnault Tzanck pour un traitement anticancéreux par voie orale (thérapie ciblée, hormonothérapie, chimiothérapie orale) sont reçus, lors d’une deuxième consultation par quatre intervenants : l’oncologue, le pharmacien, l’infirmière de coordination et un quatrième intervenant en lien avec ses besoins (diététicien, psychologue, assistante sociale, etc.). « Pendant ce rendez-vous, nous expliquons le traitement au patient, les éventuels effets indésirables ainsi que l’importance de les prévenir et de les prendre en charge précocement pour garantir l’efficacité du traitement grâce à l’observance », explique Wakil Azouza, pharmacien hospitalier au sein de l’établissement. C’est également l’occasion de faire le point sur d’éventuelles interactions médicamenteuses et de proposer des alternatives en concertation avec les différents spécialistes. « Nous informons les patients de la nécessité de prévenir l’équipe dès lors qu’ils sont amenés à prendre un produit naturel ou un autre médicament pour une pathologie aiguë par exemple. » C’est aussi au cours de cette consultation qu’il est proposé aux patients d’être suivis par le biais d’une solution de télésurveillance.
Un suivi régulier à distance proposé
« Les patients en thérapie orale anticancéreuse prennent leur traitement à domicile, ils ne revoient donc leur oncologue que tous les mois puis tous les trois mois, rappelle Wakil Azouza. Nous ne les recevons pas régulièrement à l’hôpital de jour. » Avec la télésurveillance, l’équipe peut alors assurer un suivi régulier à distance. Ainsi, chaque lundi, les patients reçoivent un questionnaire en lien avec leur thérapeutique. Les questions sont orientées en fonction du médicament et des effets indésirables qui y sont associés (par exemple, la douleur, les troubles digestifs, la fatigue, etc.). Ces effets indésirables vont conditionner, selon leur gravité, la prise du traitement (poursuite, adaptation de dose, arrêt). « Le mardi matin, l’infirmière de coordination analyse les réponses aux questionnaires, en sachant que la solution informatique les classe directement en fonction des alertes des plus urgentes au moins urgentes », précise Wakil Azouza. Selon les réponses, elle sait quel professionnel solliciter en cas de besoin, en sachant que le patient peut aussi indiquer vouloir être rappelé si nécessaire. À titre d’exemple, si le patient a indiqué avoir des diarrhées de grade 2, l’infirmière de coordination contacte directement le pharmacien. « Nous disposons de lignes directrices avec la conduite à tenir en fonction des thérapeutiques prescrites, ajoute le pharmacien hospitalier. Si cela implique de changer la prescription, nous sollicitons l’oncologue. »
Une gestion précoce des effets indésirables
Avec ce dispositif de télésurveillance, l’ensemble des acteurs s’articulent pour la prise en charge des effets indésirables précocement. La démarche est identique pour les interactions médicamenteuses. La télésurveillance permet donc une prise en charge précoce du patient par le professionnel de santé dédié. « Il s’agit également d’une façon de prioriser les demandes des patients via les infirmiers », précise Wakil Azouza. Ils disposent toutefois des coordonnées de l’équipe pour les contacter directement en cas de besoin. Une possibilité d’autant plus importante que les alertes ne sont vérifiées qu’une fois par semaine.
De janvier 2021 à avril 2023, 80 patients ont bénéficié de cette télésurveillance au sein de l’hôpital Arnault Tzanck. 5500 alertes recueillies ont nécessité une intervention. « Lorsque nous proposons cette option aux patients ayant un smartphone, certains sont ravis que l’équipe s’occupe d’eux et d’autres préfèrent davantage d’indépendance », remarque Wakil Azouza. Cette surveillance requiert pour l’équipe d’y consacrer une demi-journée à une journée de travail par semaine, pour la cohorte de patients en thérapie orale, suivis en consultation pluridisciplinaire.
Vers une prochaine extension du dispositif ?
La prochaine étape consistera, pour l’équipe, de mesurer l’impact de cette organisation (consultation pluridisciplinaire et télésurveillance) sur la prise en charge des patients, en sachant que les thérapies orales sont une première étape dans le déploiement du dispositif. L’objectif serait de l’étendre à d’autres prises en charge notamment les chimiothérapies par voie intraveineuse.
Mais cela implique de pouvoir assurer une facturation. « Aujourd’hui, nous ne pouvons pas encore coter cet acte car le dispositif de télésurveillance que nous utilisons ne dispose pas encore d’un marquage CE, indique le pharmacien, précisant que le temps dédié à cette activité n’est donc pas financé. La cotation permettra une meilleure structuration et d’aller plus loin dans la prise en charge. »
La rémunération de la télésurveillance est en effet conditionnée à l’inscription des dispositifs médicaux numériques (DMN) sur la liste des activités de télésurveillance médicale (LATM). À l’initiative de l'exploitant, tous les DMN de télésurveillance peuvent faire l'objet d'une demande d'inscription sur la LATM auprès de la Commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé (Cnedimts). Deux prérequis doivent être remplis pour le dépôt de dossier : le DMN et les éventuels accessoires de collecte associés doivent disposer du marquage↓CE et du certificat de conformité aux référentiels d'interopérabilité et de sécurité en vigueur préalablement délivrés par l’Agence du numérique en santé (ANS).
Quelle prise en charge de la télésurveillance ?
Six indications de télésurveillance sont aujourd’hui prises en charge par l’Assurance maladie :
l’insuffisance cardiaque ;
l’insuffisance rénale ;
le diabète ;
l’insuffisance respiratoire ;
les prothèses cardiaques implantables ;
l’oncologie.
Comme l’explique l’Assurance maladie, un forfait opérateur, défini par l’arrêté du 16 mai 2023 rémunère l’opérateur réalisant l’activité de télésurveillance médicale du patient. Il est fixé en fonction des moyens humains, de l'accompagnement thérapeutique et des actes de coordination entre professionnels de santé qui sont nécessaires pour la prise en charge du patient :
niveau 1 : forfait mensuel, par patient, de 11 euros ;
niveau 2 : forfait mensuel, par patient, de 28 euros.
Le forfait opérateur ne peut donner lieu à aucun dépassement d’honoraire. Il n’est cumulable avec aucun autre acte associé à l’activité de télésurveillance mais ne fait pas échec à la prise en charge du paiement de toute consultation ou téléconsultation qui s’avérerait nécessaire dans le cadre du suivi du patient, y compris à l’issue des alertes générées par le système de télésurveillance.
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