Quelques mots sur les vaccins préventifs
Lorsque l’on pense vaccin, bien souvent, on pense prévention, comme dans le cas des vaccins contre les maladies infectieuses (grippe, coronavirus, rougeole).
Dans le domaine du cancer, prévenir la maladie est particulièrement difficile en raison de sa nature multifactorielle. Par ailleurs, les cellules cancéreuses, issues de l’organisme, échappent à la reconnaissance immunitaire (faible immunogénicité).
Cependant, il existe des vaccins préventifs du cancer :
le vaccin contre le papillomavirus (HPV), préventif des cancers du col de l’utérus, de la vulve, du vagin, du pénis, de l’anus et oro-pharyngés ;
le vaccin contre l’hépatite B qui peut être considéré comme préventif, indirectement, puisqu’il prévient l’infection chronique par le virus, qui peut être responsable à long terme d’un carcinome hépato-cellulaire.
La place des vaccins curatifs dans la stratégie anti-cancer
Certaines cellules immunitaires – les lymphocytes T – sont capables de s’attaquer aux cellules cancéreuses : c’est de ce postulat que sont nées, puis se sont développées les immunothérapies.
Disposer d’un vaccin curatif contre le cancer, c’est avoir une protéine spécifique du cancer à cibler :
il faut donc pouvoir cibler uniquement les cellules tumorales qui portent ces antigènes, et non les cellules saines ;
les travaux de Thierry Boon1 identifient le premier antigène tumoral humain reconnu par les lymphocytes T ;
plusieurs antigènes de tumeurs ont depuis été identifiés :
les antigènes viraux (ceux qui sont ciblés dans les vaccins préventifs, c’est le cas des antigènes du virus HPV) ;
les antigènes associés aux tumeurs (comme HER2 dans le cancer du sein et de l’estomac entre autres), mais qui sont parfois aussi exprimés par les cellules saines ;
les antigènes spécifiques de tumeurs, qui peuvent être partagés (présents chez plusieurs patients, K-ras ou ESR1 mutés par exemple) ou privés (spécifiques d’un patient ou presque) ;
Ces candidats antigènes doivent être suffisamment exprimés par les cellules tumorales et immunogènes pour les lymphocytes T.
Les types de vaccins envisagés
Les vaccins de thérapie cellulaire : des cellules dendritiques prélevées chez le patient, présentatrices d’antigènes, sont chargées in vitro d’antigènes tumoraux. Une fois réinjectées, elles aident les lymphocytes T à cibler spécifiquement les cellules cancéreuses.
Avantages : spécificité élevée, personnalisation pour le patient.
Inconvénients : coûteux, réponse immunitaire parfois inégale selon les patients.
Cancers concernés : glioblastome2, cancer de la prostate3.
Les vaccins peptidiques : de courts fragments d’antigènes (peptidiques) sont introduits dans le corps du patient pour entraîner le système immunitaire à les reconnaître. Ces peptides activent les lymphocytes T CD4 (helper) ou CD8 (cytotoxiques).
Avantages : faciles à produire, spécificité élevée et personnalisables, bien tolérés.
Inconvénients : fonctionnent mieux en combinaison avec d’autres modalités de traitement (combinaison avec des inhibiteurs de points de contrôle immunitaires).
Développement d’un vaccin peptidique dit « universel » qui cible la télomérase pour échapper à la mort cellulaire, les cellules tumorales développent un mécanisme d’échappement par le biais de cette télomérase, une enzyme qui maintient la longueur des télomères. Des essais sont en cours pour les patients atteints d’un glioblastome et ceux atteints de cancer du poumon non à petites cellules4.
Les vaccins à ARNm : ils ciblent les antigènes spécifiques de la tumeur du patient. La sélection des antigènes-cibles se fait une fois que la tumeur a été reséquée et analysée pour trouver les meilleurs antigènes candidats. Plusieurs antigènes de tumeurs peuvent être ciblés.
🡪 NB : La crise Covid, qui a popularisé les vaccins à ARNm, a agi comme un catalyseur pour ces vaccins en oncologie7,8 en transformant une technologie de niche en plateforme thérapeutique validée à grande échelle.Avantages : rapides à produire, personnalisables au profil de la tumeur, réponse immunitaire forte.
Inconvénients : instabilité intrinsèque des ARNm (nécessite une encapsulation, stockage à température basse).
Cancers concernés : poumon, rein, mélanome9, glioblastome10, pancréas11.
Enjeux et conclusion
Ces nouvelles modalités thérapeutiques entrent dans la catégorie des thérapies dites innovantes, qui requièrent des autorisations spécifiques pour les pharmaciens (voir à ce sujet : Les ARNm ces médicaments pas comme les autres). L’utilisation des ARNm n’est, par exemple, possible actuellement, que dans certains centres agréés par une autorisation de l’Agence régionale de santé (ARS). Ce type de thérapie pourrait être amené à se développer davantage. Cependant, pour en faire bénéficier le plus grand nombre, la réglementation (article R5126-9/4 du Code de la santé publique) doit évoluer.
- A gene encoding an antigen recognized by cytolytic T lymphocytes on a human melanoma https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/1840703
- Association of Autologous Tumor Lysate-Loaded Dendritic Cell Vaccination With Extension of Survival Among Patients With Newly Diagnosed and Recurrent Glioblastoma https://jamanetwork.com/journals/jamaoncology/fullarticle/2798847
- Sipuleucel-T Immunotherapy for Castration-Resistant Prostate Cancer https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa1001294
- Immunogenicity, and 1-Year Efficacy of Universal Cancer Peptide–Based Vaccine in Patients With Refractory Advanced Non–Small-Cell Lung Cancer: A Phase Ib/Phase IIa De-Escalation Study. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/36070539/
- Lymph-node-targeted, mKRAS-specific amphiphile vaccine in pancreatic and colorectal cancer: the phase 1 AMPLIFY-201 trial https://www.nature.com/articles/s41591-023-02760-3
- Vaccination with NY-ESO-1 protein and CpG in Montanide induces integrated antibody/Th1 responses and CD8 T cells through cross-priming - https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC1885608/
- From COVID-19 to Cancer mRNA Vaccines: Moving From Bench to Clinic in the Vaccine Landscape https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34305909/
- The future of mRNA vaccines beyond COVID-19 https://www.cas.org/resources/cas-insights/future-mrna-vaccines
- Individualised neoantigen therapy mRNA-4157 (V940) plus pembrolizumab versus pembrolizumab monotherapy in resected melanoma (KEYNOTE-942): a randomised, phase 2b study. https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(23)02268-7/abstract
- RNA aggregates harness the danger response for potent cancer immunotherapy. https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0092867424003982
- Personalized RNA neoantigen vaccines stimulate T cells in pancreatic cancer. https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC10171177/
- Towards the era of immune checkpoint inhibitors and personalized cancer immunotherapy https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32643578/
- Therapeutic cancer vaccines: advancements, challenges and prospects https://www.nature.com/articles/s41392-023-01674-3
- Cancer vaccines: the next immunotherapy frontier https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35999309/
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