Économie de la santé
28/07/2023

Accès précoce, deux ans après sa mise en place, quel retour d’expérience ?

À bientôt deux ans de la mise en œuvre de la réforme de l’accès précoce, les professionnels de santé sont intervenus, lors des journées dédiées au Programme Roche en économie de la santé (PRES) les 5 et 6 avril 2023, pour effectuer un point d’étape et un premier bilan.

Comme l’a rappelée Isabelle Borget, PU-PH, pharmacien, économiste de la santé, rattachée à l’Institut Gustave Roussy et à l’Université Paris-Sud, à l’origine, la réforme de l’accès précoce avait pour but de simplifier les demandes et d’harmoniser les procédures pour les médicaments innovants. Ainsi, depuis le 1er juillet 2021, deux régimes d’autorisation (compassionnel et précoce) remplacent les six jusqu’alors existants. « La réforme a également modifié le circuit de validation des demandes et les acteurs impliqués », a-t-elle souligné. Auparavant, seule l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) était concernée, tandis que maintenant, la Haute autorité de santé (HAS) rend également une décision sur quatre des cinq critères à respecter.

Au 31 décembre 2022, 130 dossiers ont été déposés auprès des autorités, qui ont rendu 111 décisions. Parmi elles, 89 dossiers ont obtenu un accord d’accès précoce, l’oncologie et onco-hématologie représentant 55 % des indications. Éric Baseilhac, directeur affaires économiques et internationales du LEEM – Les Entreprises du médicament, a lui aussi dressé un bilan positif à date. « En 2022, 52 000 patients ont été concernés par un accès précoce », a-t-il fait savoir. Alors qu’en 2020, ils étaient 27 000.

Une réforme attendue par le terrain

Sur le terrain, les professionnels de santé se disent plutôt satisfaits de cette réforme dans sa finalité. « Au CHRU de Besançon, je fais de l’oncogynécologie et de la sénologie, qui font actuellement l’objet de sept accès précoces », a fait savoir le Dr Laura Mansi, oncologue. Cette réforme, qui réduit également les délais, « nous permet de donner, à nos patientes, accès aux dernières innovations thérapeutiques avec des taux de survie incroyables », a-t-elle ajouté. Sa collègue Anne-Laure Clairet, pharmacien praticien hospitalier, a renchéri : « À l’ère des Autorisations temporaires d’utilisation (ATU) de cohorte, nous avions environ 10 molécules et entre 30 et 40 patients par an. Aujourd’hui, nous avons entre 30 et 40 molécules en accès précoce avec une file active d’environ 150 patients uniquement en oncohématologie. »

Les limites

Néanmoins, des bémols ont été pointés du doigt, avec notamment une quête de simplification administrative. « Il y a encore beaucoup de paperasserie du côté administratif, avec des prévisions de volumes de ventes demandées, qui compliquent les démarches », a pointé Éric Baseilhac.

Autre problématique, celle de la cohérence : « Nous attendions beaucoup de la décision faisant de la HAS un décisionnaire, car cela laissait présager une plus grande cohérence entre l’octroi de l’accès précoce et l’évaluation, ce qui n’est finalement pas le cas. 75 % des accès précoces ont certes une évaluation sur l’Amélioration du service médical rendu (ASMR) de 1 à 4. Mais 25 % des demandes obtiennent, à 15 jours d’écart, avec le même comité d’évaluation, une ASMR 5, ce qui est difficile à comprendre. »

Autre limite : la procédure. Comme en a témoigné le Dr Mansi, les protocoles depuis la réforme « sont beaucoup trop longs et fastidieux, d’autant plus avec le nombre d’indications qui se déploie et les demandes qui augmentent ». « Aujourd’hui, je dois adresser des demandes d’accès précoce quotidiennement, a-t-elle fait savoir. Heureusement, je travaille en lien direct avec la PUI, ce qui facilite les démarches. » D’autant plus qu’en fonction des sites, les demandes d’autorisation sont à adresser sur des plateformes différentes, avec des codes de connexion différents. « Pour nous, aujourd’hui, l’accès précoce est devenu un calvaire », regrette le Dr Mansi.

Du côté de la PUI, le Dr Clairet assure un soutien logistique. « Le problème, c’est que toutes les CRO ne sont pas interfacées avec le portail Pasrel, de fait, les codes ne fonctionnent pas nécessairement », a-t-elle expliqué.

Les données en vie réelle

Qu’en est-il du recueil des données en vie réelle exigé dans le cadre d’une demande d’accès précoce ?

« Il faut rappeler que l’intention est bonne, a reconnu Éric Baseilhac. Ce recueil permet d’objectiver des situations qui se passent en vie réelle. Nous participons tous à cet objectif mais pourquoi ne pas utiliser ces données en complémentarité ? » Actuellement, d’après les données du Leem seules 35 % des conventions concernant la transmission de ces données en vie réelle sont signées. « On est loin du compte », a-t-il fait observer.

Dernier axe abordé lors de cette table ronde : les aspects économiques, autour notamment de la question de la fixation des prix d’un médicament, qui n’a pas encore été évaluée.

« Il faut que la puissance publique accepte d’assumer un risque sur la valeur », a conclu Éric Baseilhac.

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Établi en juillet 2023