Économie de la santé
16/09/2021
Avant le PLFSS 2022, où en est-on de la réforme du financement ?
La réforme du financement fait partie du programme général de la réforme du système de santé entamé depuis 2018. Si la pandémie de la Covid-19 est venue bousculer le calendrier, sur le fond, rien n’a fondamentalement changé dans la feuille de route. Le Ségur de la santé de juillet 2020 est plutôt venu confirmer l’orientation générale, à savoir diminuer la part du paiement à l’activité. Mais où en est-on concrètement de la mise en œuvre de la réforme alors que le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale du quinquennat va être discuté cet automne ?
Tout est parti, rappelons-le, du rapport piloté par Jean-Marc Aubert et rendu au ministre de la Santé début 2019. Avec le titre du rapport, la couleur est annoncée : « Réformes des modes de financement et de régulation. Vers un modèle de paiement combiné ». Le rapport pose pour principe la nécessité d’une réforme qui corrige deux principaux défauts du système du paiement à l’activité : le peu de prise en compte de la qualité du résultat des soins et de la satisfaction des patients, ainsi que son caractère peu incitatif à la coordination entre les acteurs du parcours de soins du patient. Pour cela, le rapport Aubert milite pour un panachage de cinq modes de financement : le paiement au suivi, en particulier pour les pathologies chroniques ; le paiement à la qualité et à la pertinence ; les forfaits pour structuration de service ; les paiements à la séquence de soins ; et enfin, toujours, une part de paiement à l’acte et au séjour.
Les services d’urgence premiers concernés
Trois ans et une pandémie mondiale plus tard, où en est-on de cette réforme attendue par beaucoup, surtout à l’hôpital ? Les experts mobilisés lors de la première émission PRES 2021 diffusée début juin ( visible en replay ici), ont permis de faire un point global sur l’état d’avancement des changements engagés. Si la crise sanitaire a reporté ou ralenti le rythme de la réforme, des mesures ont été prises et sont en vigueur tandis que d’autres sont à venir à brève échéance comme l’explique Roland Cash, consultant et expert en financement du monde hospitalier. Il prévient toutefois que « ce n’est pas parce que l’on change le mode de financement que l’on dispose de plus d’argent ». Il s’agit ici simplement de modifier les règles de partage et de répartition de l’enveloppe. La question de son augmentation est un autre sujet.
Mais revenons à la réforme des modes de financement : « Parmi les pistes déjà engagées pour l’hôpital, il y a celle d’une dotation populationnelle qui va être mise en place dans un certain nombre de domaines. Le premier est celui des urgences, accueil et Smur », observe Roland Cash. Ces dotations, qui doivent représenter entre 50 et 60% du financement de ces structures d’urgence, seront basées sur un certain nombre de caractéristiques territoriales comme le nombre de passages aux urgences pour 1000 habitants, le taux de mortalité standardisé, le pourcentage de la population en ALD, le pourcentage de la population résidant à moins de 10 ou 30 minutes d’une structure d’urgences. « Dans cette nouvelle façon de voir le financement, la dotation socle serait majoritaire. Il resterait une partie de l’ordre de 15 à 20% liée à l’activité ainsi qu’une autre basée sur la qualité et la performance calculée à partir d’indicateurs de qualité et de satisfaction des patients », précise Roland Cash. Cela s’applique aux urgences depuis 2021, et, selon d’autres modalités, aux hôpitaux de proximité depuis leur création. Ces derniers vont en plus recevoir une dotation pour leurs missions territoriales, « ce qui est une façon de financer la coordination ville-hôpital », décrypte Roland Cash.
Forfaits au parcours et paiement à la qualité
La piste des forfaits au parcours de soins pour les maladies chroniques n’avance pas très vite, seul le forfait pour l’insuffisance rénale chronique étant en place. Il a pour but de retarder ou éviter l’arrivée du patient en dialyse. Il est prévu d’étendre le dispositif avec des forfaits pour les patients dialysés en intégrant les acteurs de ville. Pour l’instant, le forfait diabète, un temps annoncé, est retardé.
Enfin, une troisième piste de réforme effective a consisté à amplifier le mode de paiement à la qualité. C’est le projet « Incitation financière à l’amélioration de la qualité » (IFAQ), qui se voit accéléré et renforcé. De 50 millions d’euros en 2017, nous sommes déjà passé à 400 millions d’euros en 2021. L’enveloppe devrait atteindre 1 milliard d’euros en 2022. Cette montée en puissance s’accompagne d’un gros travail, en cours, sur les indicateurs pour qu’ils soient fiables, reproductibles, pertinents, sans demander une charge de recueil trop lourde.
À côté de ces trois pistes de réforme en cours de déploiement, trois autres devraient faire l’objet de mesures assez rapidement.
La dotation populationnelle, nouveau socle de financement
Tout d’abord la réforme de la psychiatrie, elle aussi basée sur une dotation populationnelle qui devrait représenter 80% du financement. Les 20% restant seraient composés d’une part basée sur la file active de patients, d’une part reposant sur des indicateurs de qualité et enfin d’une part pour la recherche et l’innovation. Cela devrait démarrer en 2022 via un mode d’expérimentation.
La même démarche devrait être adoptée pour les services de médecine des hôpitaux, ce qui serait un vrai changement. Des simulations « à blanc » sont déjà possibles pour les établissements volontaires qui veulent évaluer ce que cela donnerait pour leur propre service.
Enfin, la crise sanitaire a accéléré l’évolution du financement des services de soins critiques (réanimation, soins intensifs). Le modèle sera là aussi basé sur une dotation majoritaire pour sécuriser les charges fixes de ces services.
Il faut bien entendu ajouter à ce train de mesures, celle de la refonte de l’accès précoce qui est intervenue au 1er juillet ( lire l’article et voir la vidéo sur le sujet). C’est à coup sûr un des changements qui impactent le plus directement les PUI.
Et maintenant ?
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, qui va être discuté par les parlementaires en octobre et novembre prochain, devrait contenir de nouvelles mesures de réformes. Ce seront les dernières pour ce qui concerne ce quinquennat. Des surprises ne sont pas à exclure. En effet, dans son traditionnel rapport annuel « charges et produits » publié début juillet, l’Assurance maladie affirme faire sa révolution en termes de gestion du risque et donc de méthodologie de maîtrise des dépenses. Comment cela va-t-il se traduire pour les finances des hôpitaux ? Sans en avoir les détails, on peut noter que l’Assurance maladie souligne ce qui est pour elle une anomalie, à savoir « que peu d’économies sont attendues et donc mesurées sur les soins à l’hôpital alors même que le virage ambulatoire et la pertinence des soins à l’hôpital sont des priorités stratégiques. » Cela annonce plutôt un tour de vis…
Plus positivement, l’Assurance maladie souhaite changer de temporalité. Elle regrette en effet « l’horizon temporel des économies attendues qui sont définies annuellement dans le cadre du processus de la loi de financement de la sécurité sociale alors même que l’enjeu est d’agir sur les comportements à partir d’actions dont la mise en œuvre et les effets ne peuvent s’appréhender que sur du moyen terme ». Cela rejoint l’idée de la nécessité de donner de la visibilité aux acteurs, hôpitaux y compris, et de se diriger vers des cadrages budgétaires pluriannuels. Réponses fin novembre lorsque le PLFSS 2022 sera définitivement adopté par les parlementaires.
Sources :
- Rapport « Réformes des modes de financement et de régulation – Vers un modèle de paiement combiné, Task Force « Réforme du Financement du système de santé », Janvier 2019.
- Rapport au ministre chargé de la Sécurité sociale et au Parlement sur l’évolution des charges et des produits de l’Assurance Maladie au titre de 2022 (loi du 13 août 2004), Juillet 2021.
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