Économie de la santé
24/06/2021
Données de vie réelle en oncologie : le point sur le programme PRM
Lancé en 2014 pour le cancer du sein puis en 2017 pour le cancer du poumon, le programme PRM a pour objectif d’améliorer la connaissance sur l’utilisation des traitements d’oncologie en vie réelle et de proposer de nouveaux modèles économiques responsables pour financer les médicaments innovants. Plus de cinq ans après le début de la phase pilote, où en est ce déploiement ? Quels sont les bénéfices et les perspectives d'évolution du programme PRM ?
Le mode de remboursement actuel des médicaments, basé sur les résultats des essais cliniques et en fonction du service médical rendu, ne tient pas compte de la variation de l’efficacité et du bénéfice du médicament d’un patient à l’autre. Pour y remédier, Roche a lancé dès 2014 le programme PRM* qui vise à employer des données d’utilisation des traitements anticancéreux, collectées auprès d’établissements de soins via les logiciels de gestion des chimiothérapies, afin de proposer et alimenter des modèles de prix différenciés qui seraient discutés à l’échelle nationale. A terme, PRM permettrait ainsi de conclure avec le Comité économique des produits de santé (CEPS) des accords de prix basés sur le bénéfice apporté au patient en vie réelle. Aujourd’hui, les quelque 140 établissements de soins partenaires sont de différents types (CHU, CH, CLCC, établissements privés) et répartis sur l’ensemble du territoire, un double gage de représentativité.
En pratique
Les données sont renseignées par l’oncologue dans les logiciels de prescriptions de l’établissement lors de sa demande de préparation de la chimiothérapie par la pharmacie. L’analyse pharmaceutique complète la validation de la prescription du patient. Les données implémentées portent sur les caractéristiques du patient (âge, poids, sexe) et sur les conditions d’utilisation du traitement (localisation de la tumeur, indication, stade de la maladie, ligne de traitement, dose administrée, cycles et fréquences d’administration etc.) ainsi que sur des indicateurs physiologiques (statut mutationnel, récepteurs hormonaux, localisation des métastases, etc.). « Avec PRM, on cherche à recueillir des items qui ne l’étaient pas forcément auparavant, décrypte le Docteur Julien Manson, pharmacien hospitalier responsable du secteur « Pharmacie clinique en onco-hématologie et Unité de préparation des anticancéreux » du CH René Dubos (Pontoise) qui participe au programme. Cette rigueur et cette précision supplémentaires dans le renseignement nous permettent d’avoir une base de données et des dossiers patients encore plus complets et plus structurés, ce qui entraîne de facto une amélioration des pratiques. »
Des bénéfices pour l’établissement et les bonnes pratiques
Ce n’est pas le seul bénéfice apporté par le programme PRM. A l’échelle individuelle, tout d’abord, il fournit les éléments nécessaires pour comparer son établissement avec d’autres de la région et/ou de taille et d’activité comparables. « Cela permet de nous renseigner sur la durée de la ligne thérapeutique, et donc par extension de son efficacité et de la survie sans progression, détaille le Dr Manson. C’est particulièrement utile d’un point de vue organisationnel pour comparer nos bilans semestriels ou annuels. Cela nous permet de voir ce que font les autres établissements, si on s’en rapproche ou au contraire si on s’en éloigne et de chercher à en comprendre les raisons. Pour notre part, nous avons constaté que le CH René Dubos se situe sur la ligne médiane des autres hôpitaux intermédiaires dont l’activité est comparable à la nôtre. Cela nous a donc conforté mais si cela n’avait pas été le cas, nous aurions cherché à comprendre et à rectifier le tir. »
Un programme facile à intégrer
Un bénéfice d’autant plus grand qu’il demande presqu’aucune surcharge de travail, comme le souligne le Dr Manson : « il y a une facilité et une simplicité d’usage et d’exploitation pour remonter les informations et/ou chercher des résultats. Les extractions de données demandent quelques dizaines de minutes et le module d’accompagnement est particulièrement bien fait. Une fois le paramétrage effectué, cela demande vraiment peu de temps au regard de la puissance de l’outil. Quant à l’implémentation, ce sont des données que nous renseignons au quotidien et qui sont utiles tant à l’oncologue qu’au pharmacien. Chacun participe à son niveau et cela évite les doublons puisque les données sont partagées. »
S’inscrire dans une démarche vertueuse globale
Enfin, dans une dimension plus globale, PRM répond à la demande du troisième Plan Cancer en matière d’innovation sur les modalités de remboursement des produits : « le programme permettra de constituer un entrepôt de données et prouver le bénéfice clinique des traitements en vie réelle, explique encore l’expert. Cela permet donc aux établissements de participer à une démarche de juste prix et, donc, de remboursement du médicament en fonction de son efficacité prouvée. Au-delà de l’intérêt individuel que cela apporte, l’intérêt collectif en matière de dépenses de santé est également réel. »
Aller encore plus loin
Avec l’évolution de programme PRM et la création du OncoDataHub (voir encadré), les perspectives s’élargissent aujourd’hui. « Nous espérons que le programme pourra être étendu à l’ensemble des thérapies coûteuses et qu’il deviendra un outil partagé avec les autorités de tutelle et d’autres laboratoires pharmaceutiques, souligne le Dr Manson. Les extractions permettront, à terme, un suivi encore plus affuté, complet et rapide et un ajustement des prix au plus proche. » Autre perspective attendue par les utilisateurs : l’intégration à moyen terme des thérapies orales au programme. « L’association thérapies injectables / orales est de plus en plus fréquente. Intégrer les thérapies orales nous permettrait d’avoir une vision encore plus globale », assure Julien Manson.
*PRM : Personalized Reimbursement Models (ou modèles de remboursement personnalisé)
Zoom sur le OncoDataHub
Unicancer et Roche ont signé en mars 2021, un partenariat afin de co-créer l’OncoDataHub, la première plateforme française de référence « pour accélérer la production et l’exploitation des données de vie réelle dans le cancer ». Son ambition est de mettre à disposition de tous les acteurs de l’écosystème de la santé un ensemble de données de qualité, longitudinales, représentatives de la prise en charge des patients atteints d’un cancer en France.
La plateforme permettra de disposer de données de haute qualité, précises et représentatives de la prise en charge des cancers. Elle assurera également une mission d’observatoire des prescriptions, des stratégies thérapeutiques, et de la survie des cancers.
Pour ce faire, le OncoDataHub s’appuiera sur deux bases de données existantes et opérationnelles, ESME (épidémio-stratégie médico-économique) d’Unicancer et PRM de Roche. Le partenariat s’appliquera dans un premier temps sur une trentaine d’établissements déjà partenaires des deux projets ESME/PRM, pour les cancers broncho-pulmonaire et du sein métastatique, avec l’objectif d’atteindre 80 centres à 3 ans. Les premières données et services de la plateforme seront disponibles dès 2022 à toute la communauté.
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