Économie de la santé
16/12/2021

Article 51 : une expérimentation pour faire évoluer la liste en sus

Le Programme Roche en économie de la Santé (PRES) édition 2021 a proposé une émission exclusivement consacrée à un focus sur les expérimentations Article 51. Parmi elles, l’expérimentation nationale sur la liste en sus menée par le CHRU de Besançon depuis 2020, avec quatre autres établissements hospitaliers1. Le point avec l’un des instigateurs du projet, le Pr Samuel Limat, pharmacien hospitalier, président de la Commission médicale d’établissement (CME) du CRHU de Besançon.

Quelle est la finalité de l’expérimentation article 51 sur la liste en sus ?

Pr Limat – L’objectif est de tester un nouveau mode de financement des médicaments de la liste en sus. Au cœur de l’expérimentation : la question de lier l’accès à l’innovation à la généralisation de données en vie réelle, afin d’améliorer les usages.

Pourquoi le CHRU a-t-il été sélectionné pour cette expérimentation ?

Elle est portée par les pouvoirs publics, à savoir le ministère de la Santé et la Direction de la Sécurité sociale, qui ont pris contact avec des établissements hospitaliers ciblés pour leur demander s’ils acceptaient d’y participer. Deux éléments expliquent, selon moi, la sélection du CHRU de Besançon : depuis une vingtaine d’années nous avons beaucoup travaillé et communiqué sur la pertinence de l’usage d’anticancéreux. Et nous disposons d’un système d’information en cancérologie reconnu avec un niveau de qualité de données en vie réelle assez important.

Quels sont les objectifs des tutelles avec cette expérimentation ?

Elle s’inscrit dans les réflexions de Ma Santé 2022 et la réforme du financement des hôpitaux, qui prévoit notamment de revisiter la liste en sus. A mon sens, les objectifs sont de mieux maîtriser la vie « post-enregistrement » des médicaments innovants, et de faire de la pertinence des soins un levier du financement des nouveaux traitements, dans un contexte de forte innovation et de soutenabilité de son accès. Il est également question de revoir les critères d’inscription sur la liste, en particulier autour de l’Amélioration du service médical rendu (ASMR).

Concrètement, qu’expérimentez-vous ?

Aujourd’hui, les médicaments sont financés quasiment à l’euro/l’euro avec une mécanique d’intéressement sur le prix d’achat. Avec cette expérimentation, l’établissement est financé de manière mixte. La moitié repose sur le système actuel, et l’autre moitié sur une dotation par établissement, calculée par des algorithmes nationaux qui tiennent compte notamment de la patientèle, du type de pathologies et de la file active que nous traitons par an. Dans le cadre de l’expérimentation, une réelle politique d’intéressement est proposée. D’une part, l’intégralité du résultat sur les politiques d’achats, le fameux Ecart médicament indemnisable (EMI) nous revient. Ensuite, le principe d’une dotation locale basée sur une moyenne nationale calculée sous-tend une forme d’intéressement sur la pertinence.

La mise en œuvre de l’expérimentation a-t-elle été compliquée ?

Sur le plan économique, non car l’expérimentation garantit que l’établissement ne peut pas être perdant. Nos modalités de facturation n’ont pas non plus changé. En revanche, nous avons dû instaurer un double système de pilotage économique puisque lorsque nous traitons un patient, la moitié de la recette entre dans le système actuel, et l’autre moitié dans le modèle expérimental.

Concrètement, en quoi consiste le recueil des données en vie réelle ?

L’objectif est de recueillir un champ de données complémentaires à celles que nous connaissons aujourd’hui sur la liste en sus avec un élargissement à l’ensemble des médicaments anti-cancéreux utilisés et administrés chez les patients, y compris ceux qui ne sont pas inscrits sur la liste en sus. Nous devons donc étendre la cotation à l’indication à l’intégralité des anticancéreux, notamment à tout ce qui est intra-GHS (groupe homogène de séjour), puisque la volonté du législateur est de disposer d’une vision globale sur la prise en charge des cancers, ce qui n’est pas le cas actuellement. 

Le volet le plus complexe concerne le recueil de données cliniques : réponses et tolérance au traitement ainsi qu’amélioration de la qualité de vie des patients. 

La finalité de l’expérimentation est de lier l’accès aux médicaments à ce recueil de données en vie réelle. A l’avenir, elles seront profondément liées à la rapidité d’accès à l’innovation.

Quel est l’impact de l’expérimentation sur l’organisation de la PUI ?

Nous avons été associés en amont à la préparation de cette expérimentation article 51. Nous connaissions donc en partie, l’impact sur notre organisation. Dans un premier temps, nous avons dû faire évoluer notre système d’information, ce qui est chose faite. La partie la plus lourde repose désormais sur le recueil de certaines données en vie réelle, dont la mise en place a été décalée en raison de la crise sanitaire. La PUI porte la majorité de l’expérimentation, avec du temps « technicien de recherche » dédié. Les compétences pharmaceutiques ne doivent pas être absentes de cette mouvance autour des données en vie réelle et du big data. L’enjeu est réel pour la profession.

1 CHU de Bordeaux, CHU de Toulouse, le Centre de lutte contre le cancer de Lille et la clinique Saint-Gatien de Tours

Voir également les deux autres focus sur des expérimentations Article 51 dans le replay de l’émission

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