Économie de la santé
20/05/2021

Le financement des tests de séquençage de l’ADN

Le référentiel des actes innovants hors nomenclature (RIHN) a pour objectif de permettre le financement des actes innovants de biologie ou d’anatomopathologie, dont les tests de séquençage en oncologie. Mais ce dispositif n’est pas forcément adapté et attend depuis plusieurs années l’inscription de nouveaux actes dans la nomenclature.

Les tests de séquençage de l’ADN sont devenus incontournables en oncologie. « Ce séquençage de l’ADN est obligatoire pour un certain nombre de tumeurs notamment métastatiques, explique le Dr Pierre-Jean Lamy, oncogénéticien moléculaire au sein du groupe Inovie (Montpellier). Le cancer est une maladie génétique et le séquençage permet de connaître les anomalies génétiques. Généralement, nous ne travaillons pas sur l’ADN constitutionnel car les causes héréditaires de cancer sont le plus souvent rares, mais essentiellement sur l’ADN tumoral à partir du tissu tumoral ou d’un prélèvement sanguin. Nous recherchons des anomalies de l’ADN acquises par les cellules. » Le séquençage à haut débit ou NGS (Next-generation sequencing) permet de connaître les anomalies et les mutations en relation avec le cancer de façon quasi exhaustive alors que 300 à 500 gènes peuvent être impliqués dans la cancérogénèse. Les résultats des tests de séquençage donnent ainsi la possibilité d’adapter le traitement du cancer grâce aux thérapies ciblées mais aussi aux immunothérapies anticancéreuses.

Le référentiel des actes innovants hors nomenclature

La réalisation de ces tests nécessite bien entendu une prise en charge financière. Or, ils ne sont pas directement remboursés par l’Assurance maladie comme d’autres actes de biologie de pratique courante. Faisant partie des actes innovants de biologie ou d’anatomopathologie, leur financement relève d’un dispositif mis en place en 2015 par la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) : le référentiel des actes innovants hors nomenclature (RIHN). 

Selon le ministère des Solidarités et de la Santé, le RIHN « offre un dispositif pérenne de soutien à la biologie médicale et à l’anatomopathologie innovantes. Ce ″pilier de soutien à l’innovation″ permet une prise en charge précoce et transitoire d’actes innovants de biologie ou d’anatomopathologie »1.  

Le RIHN est « un mécanisme de prise en charge conditionnelle, à l’instar des deux autres piliers de soutien à l’innovation que sont le forfait innovation et les autorisations temporaires d’utilisation (ATU) pour les médicaments », explique encore le ministère. Pourquoi cette prise en charge est-elle conditionnelle ? Parce qu’elle est « conditionnée à la réalisation d’un recueil prospectif et comparatif de données pour valider l’efficacité clinique et l’utilité clinique et médico-économique de ces actes innovants »1. Les données recueillies doivent faciliter l’évaluation ultérieure des actes par la Haute Autorité de santé (HAS), en vue d’une prise en charge par la collectivité, en ville ou à l’hôpital. Actuellement, le RIHN comporte environ 250 actes y compris les tests.

Une enveloppe fermée

Les actes inscrits dans le RIHN sont pris en charge financièrement au titre de la dotation de la Mission d’enseignement, de recherche, de référence et d’innovation (MERRI) G03. Le montant des MERRI est intégré dans l’objectif national des dépenses d’assurance-maladie du secteur hospitalier, voté dans le cadre de la Loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) adoptée chaque année. Il s’agit d’une enveloppe fermée qui s’établit actuellement à environ 380 millions d’euros, soit 12 % de la totalité des financements de l’innovation comprenant les forfaits innovation et les ATU. Le tarif RIHN d’un test de séquençage de l’ADN peut varier de 800 euros à 2 100 euros. Selon l’oncogénéticien moléculaire, il ne serait financé que partiellement par le RIHN, soit entre 30 à 40 % de sa valeur (du fait de l’augmentation régulière du nombre d’actes dans une enveloppe budgétaire qui n’évolue pas). La partie de la valeur des tests qui n'est pas prise en charge dans le cadre du RIHN est financée en premier lieu par les établissements prescripteurs. Si des remises de prix sont négociées entre ces établissements et des laboratoires, ce sont ces laboratoires qui, in fine, financent les tests. 

En outre, les règles de facturation ont été modifiées en avril 2018. Jusqu’à cette date, les laboratoires réalisant les tests percevaient les fonds du MERRI. Depuis avril 2018, ce sont les prescripteurs des tests qui les reçoivent et règlent ensuite les laboratoires. De plus, les fonds sont versés l’année N+1. « Les établissements prescripteurs avancent l’argent. Cette facturation est une façon indirecte de réguler les prescriptions en les limitant et en évitant les dérapages. L’enveloppe dépend de la DGOS et celle-ci n’est pas en capacité d’effectuer des contrôles sur la pertinence des prescriptions, contrairement à l’Assurance maladie », relève Pierre-Jean Lamy.

Un dispositif limité

L’objectif du RIHN est donc de financer l’innovation pendant une période transitoire d’évaluation, dans une perspective d’inscription à la nomenclature des actes de biologie médicale (NABM). Or, aucun test moléculaire en oncologie n’a été inscrit à la nomenclature des actes de biologie et, par conséquent, n’est pris en charge dans le cadre du droit commun. De fait, des actes en particulier dans le cadre lié à la prescription des traitements des cancers du sein, des ovaires, du poumon, de la prostate, du pancréas, de la thyroïde ou bien colorectal, ne sont pas encore pris en charge par l’Assurance maladie, faute d’avoir été évalués par la HAS.

Ce problème d’évaluation et d’inscription à la NABM pénalise-t-il alors les patients atteints d’un cancer qui auraient besoin de tels tests ? « Tous les patients éligibles ont accès à ces tests », répond Pierre-Jean Lamy qui observe cependant que la France a, globalement, pris du retard sur le séquençage. « En fait, il faudrait modifier le système. Nous pourrions, avec la même somme, avoir un financement plus efficient. Nous pourrions avec les autorités sanitaires et les pouvoirs publics nous mettre d’accord sur des tests effectués sur un certain panel de gènes et pris en charge, au sein de la nomenclature, par un forfait adapté en fonction de la localisation du cancer », remarque Pierre-Jean Lamy. Mais pour l’heure, une évolution du dispositif n’est pas à l’ordre du jour.

La liste complémentaire d’actes

Depuis 2015, un nombre limité d’actes de biologie médicale et d’anatomocytopathologie désormais utilisés en soins courants et susceptibles de faire l’objet d’une évaluation par la HAS, puis d’une prise en charge de droit commun, est inscrit dans une liste complémentaire, indépendante du RHIN. Ces actes peuvent être aussi financés par la MERRI G03, dans l’attente d’une évaluation par la HAS et d’une décision de prise en charge ou non par la collectivité. La liste comprend au total plus de 400 actes. Les analyses par NGS n’y figurent pas.

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Établi en août 2022