Économie de la santé
24/10/2023

Mission Borne : des critères de financement plus verts pour les produits de santé ?

Le rapport de la mission interministérielle sur le financement et la régulation des produits de santé a été remis au gouvernement le 29 août 2023. Il propose une cinquantaine de mesures et recommandations pour revoir la politique du médicament notamment en termes financiers, mais aussi mettre en œuvre un nouvel équilibre entre médicaments innovants et matures. Le point sur celles concernant l’hôpital.

Avoir une juste prescription des produits de santé

La pertinence des prescriptions est un sujet transversal aux soins de ville et à l’hôpital. Pour renforcer les incitations à la juste prescription des établissements de santé telles que le partage des économies sur les biosimilaires, la prescription dans le répertoire, les antibiotiques, les benzodiazépines, etc., la mission propose dans son rapport

  • de s’appuyer sur les Contrats d'amélioration de la qualité et de l'efficience des soins (CAQES)
  • et d’intégrer des indicateurs sur les produits de santé dans la refonte des indicateurs de qualité engagée pour la réforme de la Tarification à l’activité (T2A).

Elle conseille aussi d’utiliser des approches sociologiques pour comprendre comment modifier les pratiques hospitalières en tenant compte de la répartition des tâches et du rôle des jeunes médecins dans la prescription. La mission préconise également de poursuivre les travaux déjà engagés par l’Assurance Maladie pour des demandes d’accord préalable en ville et à l’hôpital, dématérialisées, afin de faire respecter les référentiels de prescription, notamment pour les produits à forts enjeux médico-économiques ou de santé publique.
Quant aux biosimilaires, la mission Borne insiste sur la nécessité de leur développement en ville afin que leur taux de pénétration rejoigne celui déjà atteint à l’hôpital, soit 80% à l’Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) par exemple.

Accélérer la professionnalisation des achats de produits de santé

Les achats hospitaliers représentent une part majeure des achats de produits de santé. Selon la mission, ils se sont élevés en 2022 à environ 18,8 milliards d’euros (Md) dont 12,3 Md€ pour les médicaments (8,7 Md€ dans le public et 3,6 Md€ dans le privé).

Si le programme Performance hospitalière pour des achats responsables (PHARE) a permis leur mutualisation, donnant « des résultats clés financièrement », il faudrait, d’après la mission, passer à une nouvelle étape avec plusieurs objectifs

  • Redéfinir le rôle des centrales locales dans les Groupements hospitaliers de territoire (GHT) afin de les centrer « essentiellement sur une mission d’expression des besoins et d’approvisionnement ». Cette évolution aurait plusieurs effets : un engagement des centrales auprès des industriels sur des volumes ; une quasi-disparition des « achats pour compte », jugée très problématique par les PME ; une baisse des prix.
  • Inviter les établissements hospitaliers publics à déléguer quasiment tous leurs achats de produits de santé à des centrales (UNIHA, RESA, ou AGEPS) et à ne garder que des capacités de définition des besoins et d’approvisionnement.
  • Développer avec les centrales d’achats les approches « coût total de possession » voire « valeur totale de possession » qui permettent de prendre en compte des aspects de durabilité, voire de coût total de la prise en charge. La mission cite en exemple le Danemark qui a développé des approches de ce type sur des dispositifs médicaux (M), afin d’accepter des prix plus élevés pour ceux ayant une valeur plus élevée pour le patient sur sa durée de vie (approche Value Based Procurement).

Utiliser des critères environnementaux dans la fixation des prix des produits de santé

Tenir compte des critères RSE (responsabilité sociétale des entreprises) et environnementaux fait partie des éléments que la mission met en avant. Elle propose ainsi de prendre davantage en compte ces critères dans les achats hospitaliers afin d’accélérer la dimension « achats durables ». « La règle consistant à avoir environ 20% des critères liés à la RSE est potentiellement un levier important ». La mission propose aussi d’utiliser ces mêmes critères dans la fixation des prix des produits de santé. Il s’agirait d’intégrer les sujets environnementaux dans les approches du Comité économique des produits de santé (CEPS), notamment en confiant une enveloppe de « Crédits Green ». La mission suggère aussi de construire avec tous les acteurs, les grilles adaptées aux enjeux en intégrant sujets de packaging et logistique.

Revoir le fonctionnement de la « liste en sus »

La liste en sus est un système permettant de financer l’innovation pour les médicaments et les dispositifs médicaux onéreux à l’hôpital lorsque le financement ne peut être assuré par les groupes homogènes de séjours (GHS) en raison de leur coût et de la dispersion au sein de groupes de malades trop différents. Elle représente environ 14 % du total des dépenses mais son taux de croissance est, d’après la mission, préoccupant financièrement. « Le sujet est délicat, et toute évolution suppose de bien anticiper les effets », déclarent les auteurs. Ils recommandent, par conséquent, de mettre en place un groupe de travail avec les administrations concernées (DGOS, DSS, ATIH, CNAM, INCA)*, les représentants des établissements de soins et des prescripteurs, en associant les associations de patients et les industriels, pour, d’ici le 1er février 2024 :

  • faire un retour d’expérience (RETEX) complet sur les décisions de radiation de la campagne tarifaire 2023 ;

  • remettre à plat la doctrine de la liste en sus (critères d’inscription / radiation) et la méthodologie de concertation avec les parties prenantes ;

  • définir un programme de travail avec l’ATIH de manière à avoir un suivi régulier des consommations sur la liste en sus (pertinence des prescriptions) et s’appuyer sur un panel de CHU/CLCC pour renforcer les recommandations de bon usage et leur suivi ;

  • poser les bases pour réfléchir à une bonne articulation entre la liste en sus et les futures tarifications au parcours.

Adapter l’évaluation pour les médicaments en accès précoc

Le bilan du dispositif d’accès précoce (AP) qui a remplacé les Autorisation temporaire d'utilisation (ATU) est plutôt positif. En 2022, 82% des demandes d’AP ont été acceptées. Afin d’améliorer ce dispositif, la mission propose de :

  • modifier et expertiser le cadre juridique pour permettre un recours à des personnels externes à l’hôpital et rémunérés par les industriels afin d’aider au recueil des données des accès précoces ;

  • permettre à la Haute autorité de santé (HAS) de décaler le dépôt du dossier à la Commission de la Transparence (CT) en fonction du niveau de maturité des données attendues. La HAS et l’industriel, sur la base des plans de collecte de données, peuvent se mettre d’accord sur la durée pertinente pour le recueil des données complémentaires ou l’obtention de données en cours, et fixer le délai maximum (avec un plafond de deux ans) dans lequel l’industriel doit déposer son dossier de droit commun

  • prévoir un mécanisme de contrôle de l’évolution du prix du produit dans le temps.

*DGOS : Direction générale de l’offre de soins
DSS : Direction de la sécurité sociale
ATIH : Agence technique de l'information sur l'hospitalisation
CNAM : Caisse nationale d’assurance maladie
INCA : Institut national du cancer

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Établi en octobre 2023