Pharmacotechnie
26/01/2023

Les HUG analysent les traces de cytotoxiques dans l’environnement

Depuis 2012, l’équipe de la pharmacie hospitalière des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), en Suisse, développe des dispositifs d’analyse des traces de cytotoxiques dans l’environnement hospitalier. Après avoir déployé plusieurs études en interne, l’équipe dispose désormais d’un laboratoire dédié et propose une offre de service aux structures hospitalières européennes qui souhaitent effectuer ce type d’analyse. Le point avec Pascal Bonnabry, pharmacien-chef aux HUG.

Comment a débuté votre projet ?

D’un constat ! En tant qu’établissement de santé, nous savons que tous les hôpitaux manipulant des cytotoxiques présentent nécessairement des traces de contaminations invisibles dans l’environnement. Si nous voulons les maîtriser et connaître leur niveau pour les prévenir et les réduire, il faut les mesurer. Dès 2012, nous avons donc effectué des études en interne, consistant à mesurer les niveaux de contaminations dans les unités de préparation de chimiothérapies. Nous avons ensuite mis en place en 2018, après deux ans de conception, un laboratoire dédié, CytoxLab. Cette infrastructure protégée, sous la responsabilité de la Dr Sandrine Fleury-Souverain, pharmacienne, est un laboratoire spécialisé dans l’analyse d’agents cytotoxiques au service des patients et des professionnels de la santé, offrant également une forte sécurité au personnel du laboratoire devant analyser des prélèvements contaminés et qui préserve l’environnement. Elle est aussi dotée d’un équipement (analytique) pour effectuer nos propres analyses.

Dès 2012, nous avons, en outre, débuté une collaboration avec nos collègues du CHU de Lille afin de trouver des solutions de nettoyage optimales pour décontaminer les zones de préparation des chimiothérapies. Nous avons aussi travaillé avec les infirmières des unités d’oncologie, donc hors de la PUI, afin de mesurer les niveaux de contaminations de leur service. En parallèle, nous avons souhaité développer une offre pour les hôpitaux. Pour une personne en bonne santé, être exposée aux cytotoxiques présente des risques non déterminés – contrairement aux risques radiologiques. Il est donc important de limiter l’exposition des personnes à ces produits. Pour le moment, nous nous concentrons sur l’analyse des zones au sein de l’hôpital. D’autres endroits pourraient, à terme, être intéressants, notamment le domicile des patients.

Que proposez-vous ?

En tant qu’hôpital universitaire, nous effectuons de la recherche dans le domaine de la chimie analytique et mettons à disposition des autres hôpitaux notre expertise. Nous avons développé une méthode d’analyse des très faibles traces de cytotoxiques dans l’environnement par chromatographie liquide et spectrométrie de masse. Aujourd’hui, sur le marché, quelques prestataires vendent cette analyse environnementale dans une approche commerciale. De même, le nombre de cytotoxiques mesurés reste relativement faible puisqu’il se limite à quelques-uns, voire une dizaine au maximum. Nous proposons d’en mesurer vingt-cinq.
 

Comment les hôpitaux peuvent-ils bénéficier de votre service ?

Lorsqu’un hôpital intéressé nous sollicite, nous lui envoyons des écouvillons pour effectuer les prélèvements, des flacons et un mode d’emploi. Les professionnels du service effectuent eux-mêmes les prélèvements, qu’ils nous renvoient en acheminement rapide. Nous effectuons ensuite les analyses et rendons un rapport avec une visualisation de la contamination. Idéalement, il faudrait que tous les hôpitaux effectuent régulièrement ce type d’analyses pour connaître leur situation. Ceux affichant une forte contamination devraient mettre en place des mesures correctives, puis refaire des mesures afin de voir leur effet sur le taux de contamination.

Adressez-vous des recommandations de bonnes pratiques avec votre compte-rendu ?

Nous ne pouvons pas, de nous-mêmes, effectuer des recommandations de bonnes pratiques car nous ne savons pas comment l’équipe fonctionne en interne. Néanmoins, les mesures à prendre sont généralement organisationnelles et pratiques. D’ailleurs les résultats permettent au pharmacien responsable d’une PUI de comprendre la façon dont son équipe travaille. Avec cette analyse, il dispose d’un outil managérial pour discuter de l’amélioration des pratiques. Elle permet de déclencher une discussion sur une base objective. Il peut alors revoir la manière de manipuler les produits, de préparer les poches de chimiothérapies, d’améliorer le processus de nettoyage ; en sachant que les contenants de produits médicamenteux envoyés par les industriels aux PUI pour la réalisation des poches sont déjà contaminés à l’extérieur par des cytotoxiques. Il faudrait alors toujours débuter par une décontamination des flacons à leur arrivée. À titre d’exemple, dans notre PUI, nous effectuons une décontamination microbiologique de l’intérieur des isolateurs après chaque session de travail, puis, chaque semaine, nous réalisons une décontamination chimique poussée.
 

Prévoyez-vous de faire de la recherche ?

Nous aimerions collecter un grand nombre de données afin d’effectuer un benchmark, sur la base des taux de contamination des pharmacies hospitalières et des services d’oncologie. Nous pourrions ainsi définir les corrélations – si elles existent – avec les facteurs de contamination, ce qui nous permettrait, à terme, d’aider les équipes à l’interprétation de leurs résultats.

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Établi en janvier 2023