Pratiques innovantes
18/03/2021

DiVa : une expérimentation Article 51 pour les post-AVC et post-IDM

Un arrêté du directeur général de l’Agence régionale de santé (ARS) Bourgogne Franche-Comté de décembre 2018, a autorisé le Dijon Vascular Project (DiVa). L’objectif de cette expérimentation qui implique sept établissements hospitaliers et les professionnels libéraux d’un territoire à cheval sur la Côte d’or et la Haute Marne : proposer un suivi intensif aux patients ayant été victimes d’accident vasculaire cérébral (AVC) ou d’infarctus du myocarde (IDM). Le projet a franchi une nouvelle étape en ouvrant, depuis octobre 2020, une période de vingt-quatre mois d’inclusion des patients.

Le projet DiVa s’inscrit dans le cadre de l’expérimentation article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2018 (lire encadré). L’objectif est de proposer aux patients ayant été victimes d’un AVC ou d’un infarctus du myocarde, un nouveau protocole de suivi, conjuguant innovation, coordination et coopération entre les médecins, pharmaciens et infirmiers libéraux comme hospitaliers. Il s’agit ainsi de contribuer à améliorer de façon significative le suivi des patients ayant subi un AVC ou un IDM (lire l’encadré). « Avec DiVa, nous souhaitons comparer un protocole de prise en charge classique et un protocole renforcé pour les patients en post-AVC et post-IDM. L’objectif est de démontrer, sur une période de deux ans, que les patients ayant bénéficié du suivi intensif sont moins sujets à des réhospitalisations », explique Damien Michel, pharmacien d’officine à Dijon et membre de l’Union régionale des professionnels de santé (URPS) pharmaciens Bourgogne Franche-Comté. Le projet associe cinq établissements du GHT 21-52 (dont le CHU de Dijon Bourgogne est l’établissement support) *, les Hospices Civils de Beaune, l’Hôpital Privé Dijon Bourgogne ainsi que les professionnels de santé libéraux du territoire.

La crise sanitaire a eu quelques effets sur le déroulement du projet en retardant l’étape d’inclusion des patients. Elle a finalement commencé le 15 octobre dernier au CHU Dijon Bourgogne (au lieu de mars 2020 comme initialement prévu) et devrait se poursuivre ensuite dans les autres établissements partenaires. « La cohorte totale de patients que nous prévoyons d’inclure est de 1 720, dont 860 patients post-AVC (430 dans le parcours de suivi intensif et 430 dans le parcours de suivi habituel) et 860 patients post-IDM (430 dans le parcours de suivi intensif et 430 dans le parcours de suivi habituel), rapporte Marilyne Pouchain, chef de projet DiVa, au CHU Dijon Bourgogne. Le recrutement se fera sur une durée maximale de 24 mois. »

Un suivi mois après mois

Généralement, après un IDM ou un AVC, les patients sont suivis à six mois puis à un an à l’hôpital. Les acteurs de la ville comme les médecins, les pharmaciens ou infirmiers libéraux, ne sont peu voire pas impliqués dans le protocole de prise en charge. « Pourtant, lorsqu’il sort de l’hôpital, le patient va davantage être en contact avec ses soignants libéraux, rappelle Damien Michel. Il est donc plus à même d’échanger avec eux sur ses traitements, son ressenti, etc. » C’est pour cette raison qu’il a été décidé d’impliquer les acteurs de ville dans ce suivi.

Pour le suivi intensif, un protocole impliquant l’ensemble des professionnels hospitaliers et libéraux a été élaboré :

  • Avant la sortie du patient de l’hôpital : consultation avec un cardiologie/neurologue, un infirmier et le pharmacien hospitaliers.
  • Semaine 1, semaine 2 et semaine 3 : entretien du patient à son domicile avec un infirmier libéral. Celui-ci dispose d’un questionnaire type afin de s’assurer du bon déroulement dans la prise du traitement notamment.
  • A un mois : rendez-vous de suivi à l’hôpital avec un infirmier et un cardiologue/neurologue.
  • A trois mois : rendez-vous avec l’infirmier, le cardiologue/neurologue et le pharmacien hospitaliers. Le rendez-vous avec ce dernier permet de faire un point sur les traitements.
  • A six mois : consultation avec l’infirmier libéral et entretien pharmaceutique avec le pharmacien d’officine. Consultation avec un neurologue pour le suivi post-AVC.
  • A neuf mois : rendez-vous de suivi à l’hôpital avec un infirmier.
  • A douze mois : rendez-vous de suivi avec un infirmier et un pharmacien libéraux, et un cardiologie/neurologue hospitalier ou libéral.
  • A dix-huit mois : rendez-vous de suivi avec un infirmier libéral
  • A vingt-quatre mois : rendez-vous de suivi à l’hôpital avec un infirmier et un cardiologue/neurologue hospitaliers.

Valorisation du rôle du pharmacien

« Ce dispositif est innovant et va valoriser le rôle des pharmaciens hospitaliers et officinaux auprès des patients », souligne le Pr Mathieu Boulin, pharmacien hospitalier au CHU Dijon Bourgogne. Dans le cadre de cette expérimentation, il assure tout d’abord une conciliation médicamenteuse au moment de l’inclusion du patient. En collaboration avec le médecin, il revoit l’ensemble des traitements du patient, et lui transmet un maximum d’informations sur sa pathologie ainsi que sur les médicaments associés, afin qu’il acquière les connaissances et les compétences nécessaires pour un suivi optimal. L’action des pharmaciens hospitaliers repose en partie sur un entretien pharmaceutique afin d’autonomiser le patient « en partant de l’hypothèse que s’il connait mieux sa maladie, ses médicaments, ses objectifs thérapeutiques après un AVC ou un IDM, cela ne peut que participer à réduire le taux de réhospitalisations », soutient le Pr Boulin. Et d’ajouter : « Ce rôle du pharmacien, dans les faits, est jusqu’à présent peu mis en pratique notamment parce que nous ne sommes pas rémunérés à l’activité. L’expérimentation est l’occasion de montrer la valeur ajoutée de cette fonction que nous pouvons remplir. » Les pharmaciens hospitaliers revoient les patients après trois mois afin d’effectuer une synthèse de tous les traitements et éventuellement si une modification d’ordonnance semble nécessaire, ils incitent les patients à consulter leur médecin.

Côté officine, le pharmacien mène des consultations pharmaceutiques à deux moments : après six mois puis après douze mois d’inclusion du patient dans le protocole. Son objectif est de s’assurer notamment de l’observance du patient dans le suivi de son traitement. S’il constate un problème, il peut émettre une alerte à destination de l’ensemble des professionnels de santé prenant en charge le patient, au sein du dossier patient présent sur la plateforme de coordination de l’ARS, eTICSS, auquel l’ensemble de ses soignants a accès. « Tous les comptes-rendus d’entretiens menés au fil des mois par les professionnels de santé vont être rassemblés sur cette plateforme, fait savoir Damien Michel.  Pour la première fois, la transparence entre la ville et l’hôpital va prendre forme. » Et de préciser : « En parallèle des entretiens à six et douze mois, les pharmaciens d’officine suivent leurs patients tous les mois, lors du renouvellement de l’ordonnance, et peuvent ainsi détecter un problème ou un non suivi de traitement, et le signaler immédiatement via eTICSS aux différents acteurs de la prise en charge. »

Le financement

« Le financement octroyé pour l’expérimentation DiVa permet de reconnaître et de valoriser, de façon dérogatoire, des consultations qui jusqu’ici ne sont pas rémunérées », explique Marilyne Pouchain. C’est le cas des consultations des infirmiers hospitaliers et libéraux et des entretiens pharmaceutiques hospitaliers et libéraux.

Côte structure, le financement va être réparti entre les différents établissements de santé qui prennent part au projet en fonction du nombre de patients inclus et suivis au sein de chacun d’entre eux, et, de fait, en fonction du nombre de consultations infirmières et du nombre d’entretiens pharmaceutiques réalisés. « Notre objectif est notamment de montrer qu’avec ce dispositif, nous évitons, pour l’hôpital, des coûts liés à l’hospitalisation, explique le Pr Boulin. La valorisation est donc également économique et offre l’opportunité de prévoir une rémunération dédiée pour les pharmaciens. »

Les rémunérations dérogatoires des différents professionnels de santé ont fait l’objet de négociations entre la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) et les établissements de santé pour le volet hospitalier, et entre la Cnam et les Unions régionales des professionnels de santé (URPS) Infirmiers, Pharmaciens et Médecins Libéraux, pour le volet libéral. Maryline Pouchain précise que « dans le cadre de l’expérimentation, à la demande de la Cnam, n’apparaissent dans ce nouveau forfait que les consultations ouvrant droit à des rémunérations dérogatoires. Les consultations des spécialistes hospitaliers et libéraux, cardiologues et neurologues, et des médecins généralistes seront quant à elles tarifées selon le droit commun. »

Faire adhérer les soignants

Les patients ayant le libre choix de leur professionnel de santé, un important travail d’information et de communication a été mené par l’équipe du projet auprès des professionnels de santé libéraux du territoire. « Lorsqu’un patient est inclus dans le dispositif, pour sa sortie d’hospitalisation, il communique à l’infirmière coordinatrice les coordonnées de ses professionnels de santé libéraux. Elle va alors prendre contact avec eux pour les informer du dispositif DiVa et de la prise en charge qu’il requiert », rapporte Damien Michel. S’ils acceptent d’y prendre part, l’outil informatique eTICSS est alors mis à leur disposition et ils seront rémunérés au forfait. 

Un cabinet d’infirmiers libéraux ou une officine peut tout à fait décider de ne pas prendre part à l’expérimentation. En cas de refus, il est néanmoins prévu que l’URPS concernée appelle le cabinet ou l’officine pour connaître les raisons de cette décision et réexpliquer le périmètre ainsi que les enjeux de l’expérimentation. Si le refus est confirmé, il est alors précisé que le patient, pour les besoins du suivi intensif DiVa, sera orienté vers un autre cabinet d’infirmiers libéraux ou une autre officine de proximité.

*Le Groupement hospitalier de territoire 2152 (GHT), regroupe neuf établissements de santé de Côte-d’Or (CHU Dijon Bourgogne, CH La Chartreuse, CH Semur-en-Auxois, CH de la Haute Côte-d’Or, CH Auxonne, CH Is-sur-Tille) et de Haute-Marne (CH Langres, CH Chaumont, CH Bourbonne-les-Bains).

Améliorer le suivi des AVC et des IDM, un enjeu

Avec un taux de décès à un mois réduit en quelques années de 25% à 9%, la prise en charge en urgence des AVC et des IDM en France est devenue extrêmement performante. En revanche, le suivi de ces pathologies reste à améliorer : 33% des personnes victimes d’un AVC et 25% des patients ayant subi un IDM sont ré-hospitalisés dans l’année suivant leur accident. Les complications liées à ces deux maladies en font par ailleurs la première cause de mortalité et de handicap moteur et la deuxième cause de handicap cognitif. DiVa a pour objectif principal de réduire les taux de réhospitalisations non programmées à un an de 10 points pour les AVC et les IDM, en limitant les risques de récidives et de complications et en réduisant les taux de décès et de handicap ainsi que le surcoût financier.

Source :  https://www.hopital.fr/Actualites/DiVa-un-projet-de-territoire-pour-ame-liorer-le-suivi-des-Accidents-Vasculaires-Ce-re-braux-des-Infarctus-du-Myocarde

Rappel concernant l’article 51

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a introduit, dans le cadre de son article 51, un dispositif permettant d’expérimenter de nouvelles organisations qui contribuent à améliorer le parcours des usagers, l’efficience du système de santé, l’accès aux prises en charge et la pertinence de la prescription des produits de santé. Il s’agit là d’une opportunité pour tester de nouvelles approches puisque ce dispositif permet de déroger à de nombreuses règles de financement et d'organisation de droit commun, applicables en ville comme en établissement hospitalier et médico-social.

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Établi en août 2022