Pratiques innovantes
16/02/2023

Les pharmaciens hospitaliers à l’origine d’une action de coordination ville-hôpital

Les pharmaciens hospitaliers du Groupement hospitalier de territoire (GHT) 49 (Maine-et-Loire) sont à l’origine du déploiement du dispositif territorial ville-hôpital de pharmacie clinique Partage GHT 49. Il a pour but de sécuriser la prise en charge médicamenteuse des patients âgés polymédiqués. Le Dr Laurence Spiesser-Robelet, pharmacienne hospitalière, maître de conférences des universités-praticien hospitalier au CHU d’Angers, qui a reçu le prix 2022 de l’Ordre des pharmaciens pour son implication dans le projet, en explique les contours.
 

Comment est née l’idée de créer ce dispositif ?

Tout est parti de la création de notre GHT – qui rassemble tous les établissements publics du département – et de l’élaboration des projets médicaux et pharmaceutiques. Pour ce dernier, nous avons souhaité mettre l’accent sur la pharmacie clinique. Entre pharmaciens hospitaliers, il nous tenait à cœur de saisir l’opportunité du GHT pour développer une politique commune de pharmacie clinique de territoire, à commencer par la conciliation médicamenteuse. Les structures hospitalières composant le GHT sont très hétérogènes en taille et en spécialités. Cela se ressent au sein des PUI, variées en termes d’activités et de personnels pharmaceutiques disponibles. Notre objectif est donc de développer et d’harmoniser nos pratiques de pharmacie clinique tout en nous appuyant les uns sur les autres pour nous soutenir et permettre le déploiement des outils.
 

Comment l’idée s’est-elle concrétisée ?

Nos échanges ont débuté fin 2018. Nous avons ensuite répondu à un appel à projet de l’Agence régionale de santé (ARS) des Pays de la Loire, qui ne nous a pas retenu mais a trouvé notre projet intéressant. Nous avons donc obtenu un financement du Fonds d’intervention régional (FIR) pour trois ans.

Nous avons débuté le déploiement du projet début 2020, dans une logique de territoire donc avec une volonté d’inclure nos collègues officinaux afin de créer un maillage territorial et ainsi assurer la continuité de la prise en charge des patients.
 

Quel outil utilisez-vous ?

Le dispositif Partage GHT 49 inclut un outil informatique, déjà existant, déployé par une entreprise privée. Le FIR nous permet de financer l’abonnement à cette plateforme, gratuite en revanche pour les officinaux.

La plateforme nous permet d’optimiser la réalisation de la conciliation médicamenteuse à l’entrée et à la sortie d’hospitalisation des patients de plus de 65 ans polymédiqués (plus de cinq molécules) afin de réduire la iatrogénie médicamenteuse. Dès lors qu’un patient hospitalisé peut intégrer le dispositif, le pharmacien hospitalier déclenche, via la plateforme numérique de conciliation, l’envoi d’un email indiquant au pharmacien d’officine de s’y connecter avec sa Carte de professionnel de santé (CPS) ou sa messagerie sécurisée. Il peut ensuite transmettre les PDF des prescriptions, que les hospitaliers retrouvent dans le dossier du patient au sein de la plateforme. De même qu’en sortie d’hospitalisation, les pharmaciens hospitaliers transmettent, toujours sur cette plateforme, leurs bilans médicamenteux de sortie, qui comportent les justifications des modifications de traitements intervenues ; les saisies à l’hôpital étant manuelles avec l’aide d’une base de médicaments. Pour les pharmaciens d’officine, les sorties d’hospitalisation peuvent s’avérer complexes à gérer. Avec ce dispositif, ils peuvent adapter leurs conseils. Notre action contribue donc à la qualité de l’information et à l’éducation des patients en lien avec leurs traitements.

Le partage d’information est le principe même de la conciliation médicamenteuse. Avec la plateforme, nous gagnons du temps, car l’outil est adapté à nos pratiques. Entre pharmaciens hospitaliers, si un patient est transféré d’un établissement à l’autre, les informations sont transmises. Cette coordination de nos activités permet d’améliorer la prise en charge des patients, les pratiques professionnelles de pharmacie clinique à l’hôpital et à l’officine tout en assurant une continuité de la prise en charge.
 

Avez-vous dû convaincre vos confrères d’adhérer à la démarche ?

Nous avons principalement dû créer des liens. Le FIR nous permet de financer un coordonnateur pour la mise en œuvre du dispositif. Il tient un rôle majeur dans son succès, car il participe à la mise en lien des pharmaciens, assure la promotion de l’outil et de cette manière de travailler. Le succès de la démarche repose aussi sur le maillage territorial, qui doit être le plus large possible. À l’origine, même au sein des petites structures locales, les pharmaciens hospitaliers et officinaux ne se connaissaient pas nécessairement. Nous avons donc organisé des rencontres pour nouer les liens.

Nos étudiants en pharmacie ont également participé au succès du dispositif. Nous les recevons en stage en 5e année au sein de nos PUI, où ils assurent la conciliation médicamenteuse dans les services en ayant recours à l’outil. Puis, en 6e année, nous les retrouvons en stage à l’officine, où ils sont amenés à réutiliser l’outil qu’ils connaissent déjà. Ils sont donc vraiment moteurs dans sa promotion, son déploiement et la transmission des données.

Enfin, nous avons travaillé avec l’Ordre des pharmaciens et la Caisse primaire d’assurance maladie du Maine-et-Loire, qui nous ont aidé à la promotion du dispositif et sont attentifs à notre action.
 

Comment pérenniser le dispositif si le financement n’est que de trois ans ?

Nous travaillons actuellement avec la direction du GHT 49 et l’ARS à une réflexion pour la pérennisation du dispositif. Car il est vrai que nous rencontrerions des difficultés à revenir à notre fonctionnement antérieur. Nos indicateurs d’activités et de mise en lien entre les professionnels sont très positifs, ce qui s’avère aidant pour la recherche de financements. En 18 mois, nous avons inclus 4 931 patients. Les établissements du GHT participent de manière active à l’usage de l’outil tout comme 215 officines du département, soit 92 % d’entre elles.
 

Avez-vous d’autres objectifs ?

Nous souhaitons mesurer le réel impact clinique du dispositif en analysant les prescriptions d’environ 1 000 patients, afin de voir ce qui a été modifié, les médicaments potentiellement inappropriés ou encore l’évolution des prescriptions post-hospitalisation. Nous prévoyons aussi de mener une enquête de satisfaction sur l’amélioration du lien ville-hôpital et sur l’information et la satisfaction des patients. Nous aimerions enfin étendre le dispositif notamment en élargissant la cible ainsi que les territoires concernés car les établissements des départements limitrophes sont demandeurs.

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Établi en février 2023