Pratiques innovantes
20/01/2022

L’IA au service de la conciliation médicamenteuse

La pharmacie à usage intérieur (PUI) de la Pitié Salpêtrière (Paris) a développé, avec l’entreprise Synapse, une interface pour utiliser l’intelligence artificielle dans le cadre de la conciliation médicamenteuse. Un dispositif qui participe à sa sécurisation.

Jusqu’en 2019, au sein du groupe hospitalier Pitié Salpêtrière-Charles Foix, la conciliation médicamenteuse était déployée dans différents services comme en diabétologie et en gériatrie. Les pharmaciens hospitaliers utilisaient des fichiers Excel ou des notes-papiers. Mais « le papier est source d’erreur, rappelle Thierry Le Marec, en charge de la coordination de la pharmacie clinique au sein de la PUI de l’établissement. En recopiant des données, il y a toujours un risque d’oubli mais c’est aussi générateur d’absence d’interaction entre les différents acteurs concernés. Sans parler de la perte de temps dans la réalisation du process. » Son objectif en arrivant à la PUI en 2019 : digitaliser le processus de la conciliation médicamenteuse notamment pour améliorer son efficience.
Fin 2019, après avoir prospecté différentes solutions existantes sur le marché français, « nous nous sommes orientés vers Synapse, car cette entreprise ne se limite pas à l’informatisation mais propose aussi une digitalisation », indique-t-il. Et d’expliquer : « L’informatisation consiste à transposer l’information papier sur informatique. Il s’agit donc principalement de saisie. En revanche, avec la digitalisation, le process est plus fluide via l’expérience utilisateur (UX), et l’usage de l’Intelligence artificielle apporte une valeur ajoutée avec l’analyse du bilan médicamenteux des patients. » La PUI a co-développée la solution avec Synapse en repensant le processus de conciliation médicamenteuse.

Une tablette numérique au chevet du patient

Dans le cadre de cette démarche, les pharmaciens hospitaliers, les internes et les externes qui y participent se rendent au chevet du patient avec leur tablette tactile pour mener l’entretien avec les patients et/ou leurs aidants. « Quatre équipes réalisent ces bilans de façons hétérogènes, le nombre de bilans réalisés variant de trois à quatre par mois jusqu’à plusieurs dizaines, en fonction des services », rapporte Thierry Le Marec. Le processus d’analyse est ensuite sécurisé, d’autant plus qu’il est structuré et relié à la base de données médicamenteuses Thériaque, agréée par la Haute Autorité de santé (HAS). « Lorsque les effectifs le permettront, j’aimerais que le process soit ouvert aux préparateurs en pharmacie afin d’optimiser le circuit d’autant plus qu’il est validé par un senior », soutient-il.
Les informations sont directement saisies dans le logiciel, auxquelles s’ajoutent celles obtenues sur les ordonnances du patient via les officines ou le dossier médical. « Aujourd’hui, ce deuxième point est limitant, mais il sera prochainement résolu grâce à l’officialisation du partenariat avec notre DPI », souligne Thierry Le Marec. Et de poursuivre : « Notre objectif est de pouvoir implémenter directement les ordonnances dans l’outil via une reconnaissance optique de caractère. Cette fonctionnalité existe pour l’analyse des molécules mentionnées sur l’ordonnance mais pas encore pour la posologie en raison de la variabilité des indications inscrites par les professionnels de santé. »
Malgré tout, le logiciel permet d’élaborer un premier bilan médicamenteux, apportant ainsi un gain de temps en supprimant le recueil manuel des informations patients, acte considéré comme étant à faible valeur ajoutée.

L’analyse de la donnée

Avec cet outil, « nous gagnons en efficience sur l’analyse pharmaceutique que nous pouvons effectuer du bilan médicamenteux », fait savoir Thierry Le Marec. L’intelligence artificielle embarquée dans Synapse permet non seulement de repérer les lignes divergentes, mais aussi de mettre directement en surbrillance l’élément divergent. Par ailleurs, « en fonction de la typologie du patient, le logiciel va suggérer des recommandations liées à l’état clinique déclaré du patient par exemple avec l’outil START STOPP et la détection de la prescription médicamenteuse potentiellement inappropriée ou les interactions éventuelles en fonction du terrain déclaré du patient », souligne-t-il. Si un patient décrit un effet indésirable, il est également possible d’identifier le médicament potentiellement en cause. « L’analyse des interactions et des posologies en temps réel offre aussi une plus-value au moment même de la saisie », ajoute-t-il, précisant qu’il est alors possible d’interroger le patient immédiatement pour obtenir des réponses aux interrogations. Lorsque le bilan médicamenteux est validé, il est envoyé en format PDF aux médecins. Il peut, en outre, être directement confronté à la prescription hospitalière lorsqu’elle a déjà eu lieu.
Aujourd’hui, le bilan médicamenteux d’entrée se déroule entre 48 et 72 heures après l’hospitalisation du patient, c’est-à-dire après sa prise en charge et la prescription médicale du médecin. « Mais la digitalisation nous permet de rattraper à moins de 72h des oublis ou des divergences que nous avons pu observer », soutient-il.

Les autres projets

Thierry Le Marec souhaite, à terme, développer davantage l’analyse pharmaceutique afin d’appliquer prioritairement la conciliation médicamenteuse aux patients en situation à risque. « Aujourd’hui, nous passons beaucoup de temps à analyser tous les traitements de tous les patients alors que nous voudrions nous concentrer sur les situations à risque, rapporte-t-il. Avec les ressources pharmaceutiques dédiées à la conciliation médicamenteuse pour 1600 lits aujourd’hui, ce n’est pas possible, mais ce serait envisageable avec le développement de l’intelligence artificielle. Le flux de travail organisé autour de cette application nous permettra très bientôt de repérer les divergences récurrentes ou les interactions les plus souvent rencontrées chez certains patients et ainsi orienter des actions de formations auprès des professionnels de santé impliqués. » Cela nécessitera également de mettre en place des contrats avec les services afin d’identifier les patients conciliables en priorité.
Autre volonté : développer le lien ville-hôpital. Dans toutes les conciliations, le recueil de l’information se déroule de l’officine vers l’hôpital. « Aujourd’hui, nous commençons à expérimenter la conciliation médicamenteuse de sortie dans le cadre d’une expérimentation dite « article 51 », ce qui nous permet de travailler à la restitution des informations aux officines pour un meilleur suivi des patients », conclut Thierry Le Marec.

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Établi en août 2022