Pratiques innovantes
15/06/2023

Panne informatique : comment éviter le pire ?

En janvier 2022, le Centre hospitalier départemental (CHD) Vendée a subi, pendant vingt-quatre heures, une interruption de son logiciel de prescription des chimiothérapies. Une expérience difficile, partagée lors des Journées de formation Partage d’expertise production de chimiothérapie (PEPC), organisées les 21 et 22 mars 2023 par Roche.

Les faits

En amont de l’événement, les difficultés s’étaient déjà enchaînées, et ce, en dépit d’une phase de tests pourtant relativement longue. À cela s’est greffée « une dysphonie entre les différents intervenants sur le paramétrage fonctionnel à migrer », a expliqué le Dr Erwin Raingeard, pharmacien référent pharmacotechnie au CHD Vendée, lors des journées PEPC. Bien sûr, l’équipe avait pris soin de répéter, en amont, avec l’éditeur et le service informatique de l’établissement, la séquence de migration, afin de s’assurer du respect des différentes étapes. Pour autant, les difficultés se sont multipliées. Trente minutes après le début de la procédure, « nous avons remarqué un problème de téléchargement de l’installation, a raconté le Dr Amandine Lassalle, pharmacienne au CHD Vendée. Nous avons pris une heure et demie de retard sur le démarrage de la mise en production. Finalement, nous avons réussi à rattraper ce retard à la fin de la procédure de migration. Tout était conforme sur le serveur mais les prérequis n’ont pas été totalement respectés. » L’équipe a ensuite constaté un dysfonctionnement majeur de l’ensemble des postes clients. « Nous n’arrivions pas à réaliser les fiches de fabrication », a-t-elle ajouté. En outre, la base de données était complètement altérée, notamment les reliquats et l’ordonnancier. Si les fonctionnalités de prescription et d’administration pour les infirmières étaient en état de marche, « nous n’avions toutefois pas de solution pour la production », a poursuivi le Dr Lassalle.

Le pilotage

Le binôme de pharmaciens s’est alors résolu à déclencher la procédure dégradée, avant de se rendre compte qu’elle n’était plus fonctionnelle. Après avoir appelé l’astreinte de la Direction des services numériques (DSN), la décision a été prise d’utiliser directement et à distance le serveur central encore opérationnel. « Pendant deux heures, nous avons donc organisé toute la séquence de production, a rapporté le Dr Amandine Lassalle. Autrement dit, nous avons édité les fiches de fabrication, les plans d’administration de tous les traitements pré-validés ainsi que les bordereaux de livraison. Puis, à minuit, avant de partir, nous avons alerté, par mail, les services de soins ainsi que la Direction, de ces choix organisationnels. Nous leur avons expliqué qu’il n’y avait qu’un seul poste pour valider, produire, contrôler et dispenser les traitements. » Mais c’était sans compter la connexion à distance, à minuit trente, d’un confrère souhaitant voir la programmation des patients prévue le lendemain. Sa version ancienne du logiciel, non déconnectée de son poste, a fait bugger le serveur. « À partir de ce moment-là, nous avons mis en place un journal de bord afin de disposer d’une communication restreinte, a précisé le Dr Lassalle. Puis, nous avons organisé toute la production à sept pharmaciens. Pendant près de trois heures, nous étions en mode totalement dégradé, c’est-à-dire sans informatique. Nous fabriquions tous les traitements édités et pré-validés la veille. Pour les autres patients, soit nous reprenions les anciennes fiches de fabrication que nous reproduisions à l’identique, soit nous retraitions manuellement la fiche de fabrication. »

Les pharmaciens ont alors décidé de se répartir les rôles. L’un d’eux a endossé un rôle « central », appelé « editor ». Il était en lien avec tous ses confrères pharmaciens, s’occupait de la ressaisie des ordonnances, du contrôle des prescriptions, de l’édition et des fiches de fabrication. En outre, il était l’unique interlocuteur du « pilote » qui lui, s’occupait des échanges avec la DSN, l’éditeur et l’institution, laquelle était présente pour les choix stratégiques. Le coordonnateur de service réceptionnait quant à lui tous les appels des services, aidait à la validation pharmaceutique et au contrôle. Enfin, deux autres coordinateurs, en salle de production, assuraient un double contrôle visuel des préparations.

La cellule de crise

Une cellule de crise à la composition plurielle (membres de la Direction générale, de la direction des soins, responsables de la protection des données et de la pharmacotechnie etc.) a été constituée et activée durant la crise. Son objectif était de trouver une solution si l’ensemble du système informatique ne redémarrait pas en configuration complète et d’arrêter une stratégie de sortie de crise avec pour maître mot la traçabilité des décisions et des faits relatés. Ce qui a permis, quelques semaines après « d’historiser tout le travail accompli », dixit le Dr Erwin Raingeard.

Pour la suite

Cet historique ainsi colligé, a aidé l’éditeur à générer des correctifs pour les nouveaux clients passant sous cette nouvelle version. « Plus largement, après avoir formalisé, en concertation au sein de l’établissement, les attentes et les besoins, un plan d’action destiné à appréhender ce type d’incident a été partagé lors d’un débriefing avec l’éditeur avec comme point névralgique, bien sûr, la sécurisation et le fonctionnement de l’outil selon des procédures dégradées ou encore, les modalités d’accès sécurisé aux bases de données », a fait savoir le Dr Raingeard.

Un protocole qui s’est avéré précieux lorsqu’un deuxième incident comparable s’est produit quelques mois après au CHD Vendée. « Nous avons vécu différemment ce deuxième crash grâce à l’apport de l’expérience, notamment parce que nous avons su identifier et contacter rapidement les personnes compétentes, aussi bien en interne que chez l’éditeur, a assuré le Dr Lassalle. Nous avons rapatrié dans l’immédiat les pharmaciens déployés sur d’autres activités ou sur d’autres sites, avons mis en place un journal de bord pour la traçabilité et la communication, et communiqué rapidement avec les services de soins ». L’équipe a ainsi pu avoir recours à des outils de solution dégradés et à des sauvegardes avec un applicatif déporté sans compter l’application des conventions de secours avec les établissements supports.
 

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Établi en juin 2023