Scientifique
13/03/2024

ADN tumoral circulant (ADNtc) : une révolution au service des patients

L’ADN tumoral circulant (ADNtc) est un biomarqueur issu des cellules cancéreuses, relargué dans le sang. Recherché à la suite d’une simple prise de sang, il est un remarquable atout pour les oncologues qui peuvent l’utiliser pour la prise en charge des patients, l’adaptation des traitements et le dépistage des cancers.

Aujourd’hui, la recherche d’ADNtc dans une prise de sang (biopsie liquide) est utilisée par les oncologues pour orienter le choix de la thérapie ciblée dans le cas de cancers métastatiques. « Par exemple, dans le cancer du poumon, le profil génomique de la tumeur est un élément clé pour la décision thérapeutique, détaille le Dr Maurice Pérol, pneumo-oncologue au Centre de lutte contre le cancer (CLCC) Léon Bérard (Lyon). Certaines tumeurs présentent en effet des mutations spécifiques qui sont accessibles à un traitement ciblé alors que d’autres, dans lesquelles nous ne retrouvons pas ces mutations spécifiques, sont traitées par chimiothérapie. » Ce profil génomique peut être établi sur la base d’une biopsie tissulaire, un acte invasif dont les délais d’obtention de rendez-vous peuvent parfois être longs ; ou son alternative, la biopsie liquide, qui permet l’analyse de l’ADNtc. « Dans une étude que nous avons menée à Lyon, nous nous sommes aperçus que le délai moyen entre la première visite du patient pour suspicion de cancer du poumon métastatique et le début du traitement était de 45 jours, ce qui est considérable pour un cancer qui peut se révéler très agressif et pour lequel l’état du patient peut se dégrader rapidement. Nous avons donc évalué les bénéfices d’une biopsie liquide, sur la base d’une simple prise de sang, avec analyse de l’ADNtc, qui nous a montré que cela pouvait permettre de démarrer plus rapidement le traitement1 », ajoute le Dr Pérol. Cette technique de biopsie liquide avec analyse de l’ADNtc présente donc un intérêt dans les cancers difficiles à biopsier et permet d’orienter plus rapidement les thérapies ciblées après obtention du profil génomique de la tumeur.

Suivi de traitement par recherche d'ADNtc

La recherche de l’ADNtc est également une approche intéressante pour la surveillance des traitements et des risques de rechute. « Dans le cas des cancers métastatiques, nous pouvons observer la réponse au traitement en mesurant la quantité d’ADNtc, qui a une demi-vie assez courte, note le Dr Pérol. Après deux cycles, nous pouvons être très vite être fixés sur l’efficacité de la thérapie. Si la quantité d’ADNtc diminue, c’est bon signe, alors que si nous n’observons aucun changement, nous savons qu’il faut intensifier voire changer le traitement. » La recherche d’ADNtc permet également d’observer les mutations de résistance et de réadapter efficacement le traitement en cours avant la progression clinique de la maladie. « Dans le cas du cancer du sein, grâce à la biopsie liquide, nous avons suivi l’apparition de mutations ESR1 pendant la première ligne de traitement par anti-aromatase car nous savons qu’elles peuvent survenir chez certaines patientes en cours de thérapie et mener à une résistance, décrit le Pr François-Clément Bidard, médecin chercheur en oncologie médicale à l’institut Curie (Paris). Dans le cas où la mutation ESR1 était détectée, une alternative thérapeutique était alors proposée, permettant à ces patientes un gain de survie sans progression de la maladie2. »

Perspectives de dépistage universel

Ces applications concrètes pourraient connaître de nouvelles avancées ces prochaines années. Des équipes travaillent à la détection de la maladie résiduelle après chirurgie. La présence ou non d’ADNtc dans le sang du patient pourrait permettre d’orienter vers un traitement complémentaire et éviter l’apparition de métastases. « L’enjeu est important si nous parvenons à cibler cette maladie résiduelle », estime le Pr Bidard qui rapporte que des essais prometteurs sont menés sur le cancer colorectal3. « Mais pour le moment, les tests ne sont pas encore suffisamment sensibles pour détecter cette maladie résiduelle chez tous les patients qui en ont une », tempère le Dr Pérol, qui déplore beaucoup de faux négatifs. Une décision thérapeutique de désescalade n’est donc pas encore envisageable : « En revanche, pour les patients chez lesquels nous détectons une maladie résiduelle, une escalade thérapeutique peut être envisagée », complète-t-il. Enfin, tous les regards et les espoirs se tournent sur le dépistage universel du cancer par une simple prise de sang, « une sorte de Graal pour les médecins de pouvoir détecter très tôt l’apparition d’un cancer avant même qu’une tumeur ne se développe », estime le Pr Bidard. Mais là encore, le travail n’est pas encore abouti, même s’il progresse rapidement : « les travaux s’orientent vers le profil de méthylation de l’ADN, un bon indicateur d’oncogénèse », détaille le Dr Maurice Pérol. La méthylation intervient en effet sur certains gènes suppresseurs de tumeurs : en se fixant sur le gène, le groupement méthyl « éteint » la fonction du gène ; c’est un processus bien connu en embryogénèse et qui intervient également dans le cas du cancer. Rechercher cette méthylation sur certains gènes permettrait donc de dépister très précocement les cancers. Une étude publiée en octobre 2023 dans le Lancet4 suscite beaucoup d’espoirs : menée sur une cohorte de 6662 participants, elle est parvenue à détecter un signal indicateur de cancer chez 92 d’entre eux. « Mais attention, cette étude est imparfaite, car elle a aussi détecté des faux positifs », tempère le Dr Pérol. Les progrès de l’intelligence artificielle pourraient faire avancer ces études et les ancrer dans la réalité « d’ici 5 à 10 ans », conclut-il.

Références :
1 - LIBELULE : an randomized phase III study to evaluate the clinical relevance of early liquid biopsy in patients with suspicious metastatic lung cancer (A. Swalduz et al., étude présentée à l’ASCO 2023).

2 - Switch to fulvestrant and Palbociclib versus no switch in advanced breast cancer with rising ESR1 mutation during aromatase inhibitor and Palbociclib (PADA-1); a randomized, open-label, multicentre, phase 3 trial. (Bidard et al. Lancet Oncology 2022 Nov;23(11):1367-1377)
3 - Minimal Residual Disease in Colorectal Cancer: Are We Finding the Needle in a Haystack? (Jacome et al. Cells 2023 Apr; 12(7): 1068)
4 - Blood-based tests for multicancer early detection (PATHFINDER): a prospective cohort study (Schrag et al., Lancet 2023 Oct 7;402(10409):1251-1260)

PCR digitale : Roche Diagnostics au cœur de l’innovation

La PCR digitale, quantifie avec précision des séquences nucléiques. Elle permet en effet la détection de mutations présentes en très faibles fréquences alléliques avec un seuil de détection de mutation de 0,001%. Roche Diagnostics a annoncé en septembre 2023 le lancement d’un système de PCR digitale le Digital LightCycler®. Conçu pour les laboratoires de recherche effectuant des analyses d’ADN et d’ARN très sensibles dans le domaine de l’oncologie, il permet de détecter et de quantifier des mutations généralement non détectables par les méthodes PCR conventionnelles ainsi que des mutations ultra-rares, conduisant à un diagnostic précoce et à des stratégies de traitement optimums. Le système est adapté à une grande diversité d'applications. En oncologie, il permet l’analyse de l'ADN tumoral, des mutations rares, des variabilités du nombre de copies ou encore de l'expression génique. Dans le cadre du diagnostic de maladies infectieuses, il aide à la détection et à la quantification de virus et de bactéries. Enfin, dans le domaine des maladies génétiques, il offre la possibilité d’analyser des altérations génétiques ou bien de réaliser des tests de diagnostic prénatal non invasifs.

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Établi en mars 2024