Focus 1
Accès à l’innovation thérapeutique : préserver la soutenabilité sans freiner le progrès
Comment garantir un accès rapide aux innovations tout en maintenant la soutenabilité du système de santé ? Telle était la question centrale de la conférence modérée par le Pr Mikaël Daouphars (CHU de Rouen) et intitulée « Accès à l'innovation et soutenabilité de la prise en charge des thérapeutiques innovantes : vers un équilibre », qui réunissait Pierre Cochat, Catherine Amalric, Arnaud Bayle, Matthieu Boudon et Isabelle Borget*.
Pour Pierre Cochat, le mot innovation est certainement à la mode, mais il n'a de sens que lorsqu'il concerne le patient. Or, la baisse significative des ASMR I à III, la stabilisation des ASMR IV et l'augmentation des ASMR V, révèlent une moindre valeur ajoutée des nouveautés récentes. Le dispositif d’accès précoce (AP) a permis à 140 000 patients de bénéficier de traitements avant leur prise en charge, mais les refus se multiplient, notamment dans les niches thérapeutiques ciblées pour répondre au critère d'absence de « traitement approprié » et pour lesquelles les études cliniques ne permettent pas d'étoffer ces niches. Arnaud Bayle a souligné la frustration des cliniciens face à ces décisions parfois opaques, plaidant pour plus de transparence.
Vers une évaluation européenne harmonisée. Catherine Amalric a présenté le Joint Clinical Assessment (JCA), en vigueur depuis janvier 2025, qui uniformise l’évaluation du bénéfice clinique à l’échelle européenne via les critères PICO*. Ce début d'expérience est positif, le choix des PICOS est raisonnable et le temps est contenu. En outre, quand le dispositif sera mieux rodé, il devrait y avoir un gain de temps. Ce dispositif facilite la comparaison entre États membres. Dans ce cadre, on peut constater que la France conserve un rôle moteur grâce à son expertise en oncologie. Pour le moment… En effet, le Projet de Loi de Finance de la Sécurité Sociale (PLFSS) 2026, déposé à l’Assemblée nationale, comporte, selon Isabelle Borget, des mesures susceptibles de fragiliser le dispositif. Elle souligne que ce projet de loi réforme à nouveau le système d'accès précoce, dans son article 34, en modifiant profondément les Accès précoces post-AMM (AP2). Cet article instaure une obligation d'évaluation par la Haute Autorité de santé (HAS) pour entrer dans le dispositif. La période entre l'AMM et l'évaluation par la HAS ne serait ainsi plus couverte, et les critères SMR/ASMR restreindraient fortement le type de molécules éligibles (SMR important et ASMR entre I et IV). Pour Matthieu Boudon, ce serait un recul pour l’attractivité française. L'accès précoce est en effet une vraie pépite française, que de nombreux pays nous envie, et qui a permis de réduire de plus d'un an les délais d'accès.
Anticiper et partager le risque. La soutenabilité passe par une meilleure anticipation des innovations à fort impact, par le recours accru aux génériques et biosimilaires, et par des modèles de paiement à la performance. Comme l’a conclu Pierre Cochat, « lorsque le plan est solide, la valeur clinique – et donc la soutenabilité – suivent naturellement ».
* Méthode Pico : P pour Patient (ou Problème), I pour Intervention, C pour Comparaison et O pour Objectifs.
*Pierre Cochat, pédiatre, néphrologue et spécialiste des maladies rares, membre du collège de la HAS et président de la Commission de la transparence (CT) / Catherine Amalric, pharmacienne, experte pharmacie hospitalière à l’Anap et ancienne députée européenne / Arnaud Bayle, MCU-PH, oncologue médical et maître de conférences en santé publique, spécialisé en économie de la santé à Gustave Roussy (Département de recherche clinique INSERM – U1018 CESP) / Matthieu Boudon, Responsable régulation et financement au Leem / Isabelle Borget, PU-PH en économie de la Santé PU-PH en économie de la Santé (Faculté de Pharmacie, Université Paris-Saclay & Gustave Roussy.
Focus 2
Contamination de l’environnement par les cytotoxiques : vers une standardisation des méthodes d’évaluation
La contamination de l’environnement de travail par les médicaments cytotoxiques reste une préoccupation majeure en milieu hospitalier. Elle faisait l’objet de la conférence intitulée « Contamination de l'environnement de travail par les cytotoxiques, états des lieux français et international, propositions de standardisation des méthodes d'évaluation de la contamination », à laquelle intervenait le Dr Bertrand Favier*, du centre Léon Bérard à Lyon. Si les méthodes de détection ont longtemps porté sur différents milieux biologiques (sang, urines, air), la surveillance repose aujourd’hui principalement sur les prélèvements de surface, jugés les plus pertinents pour évaluer le risque professionnel.
Le rapport de l’ANSES (2021) a confirmé la présence de risques toxiques pour les personnels de santé exposés (PDS), sans établir de lien direct entre la manipulation de cytotoxiques et la survenue de cancers. En revanche, un risque reprotoxique — notamment une incidence accrue d’avortements spontanés précoces — demeure documenté. L’agence souligne la nécessité de renforcer les recherches sur la contamination cutanée.
Une étude du Centre Léon Bérard (CLB). Dans ce contexte, le Centre Léon Bérard (CLB) pilote un vaste projet de recherche en quatre phases, visant à standardiser les méthodes d’évaluation de la contamination. Après une première phase d’évaluation nationale et une revue de la littérature, les chercheurs élaborent un modèle de scoring intégrant quantité surfacique, fréquence et localisation des contaminations. Ce travail débouchera sur un plan d’actions destiné aux établissements de santé et sur la mise en place de campagnes annuelles multi-établissements.
Des recommandations à venir. Le laboratoire MASS, né d’un partenariat entre le CLB et les Hospices Civils de Lyon (HCL), centralise les prélèvements des établissements. Entre 2007 et 2010, les analyses portaient sur le 5-fluorouracile (5-FU) seul ; depuis 2013, de 11 à 18 traceurs sont étudiés. Sur la période 2017-2023, 194 établissements ont participé à 325 campagnes (3 630 prélèvements), avec un taux global de positivité de 38,8 % — 40 % en pharmacie et 29 % en unités de soins —, des résultats comparables aux données internationales.
Les traceurs les plus pertinents restent le 5-FU, la cyclophosphamide, la gemcitabine et les composés du platine. La suite du programme précisera le nombre optimal de campagnes et les zones de prélèvement prioritaires.
*Dr Bertrand Favier, pharmacien, Coordonnateur du Département de pharmacie du Centre Léon Bérard Lyon.
> Voir également la vidéo de présentation de l’étude par Bertrand Favier
Focus 3
Thérapies sous-cutanées : repenser les parcours de soins en oncologie
Lors du symposium organisé par Roche intitulé « Thérapies sous-cutanées : de l’HDJ à l’HAD, repensons les parcours de soins en oncologie », plusieurs intervenants ont illustré la manière dont ces traitements redéfinissent l’organisation hospitalière et la prise en charge des patients.
Choix thérapeutiques. Le Dr Thomas Goter* a rappelé les grands principes de la prise en charge du cancer du poumon, aujourd’hui guidée par l’état clinique du patient, l’histologie de la tumeur et le niveau d’expression de PD-L1. Les données actuelles ne montrent pas de différence significative entre la chimiothérapie associée à l’immunothérapie (CT + IT) par voie intraveineuse et l’immunothérapie seule. En pratique, les oncologues privilégient la combinaison CT + IT pour les patients faiblement expresseurs de PD-L1, afin de limiter le risque de résistances, tandis que l’IT seule reste indiquée chez les forts expresseurs. Les résultats de l’étude PERSE sont attendus pour affiner ces choix thérapeutiques.
Expérience organisationnelle. Le Dr Nicolas Cassou* (CH de Quimper) a présenté une expérience organisationnelle réussie autour des thérapies sous-cutanées. Son établissement a mis en place une salle dédiée, un poste infirmier tournant et un suivi en temps réel des flux patients. Ce modèle s’est révélé bénéfique à tous les niveaux :
pour les patients, réduction du temps passé à l’hôpital et confort accru ;
pour les équipes soignantes, plus de disponibilité et d’échanges ;
pour le service, un lissage de l’activité et une hausse de la capacité d’accueil, ayant conduit à une augmentation du nombre de créneaux disponibles en hôpital de jour.
Ces retours confirment que les thérapies sous-cutanées, au-delà de leur aspect pharmacologique, sont un vecteur d’optimisation des parcours de soins et une opportunité de réorganisation hospitalière à fort impact.
*Dr Thomas Goter, pneumologue au CH Fougères. / Dr Nicolas Cassou, Pharmacien référent de la pharmacie des hôpitaux de Cornouaille à Quimper.
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