Qu’est-ce qu’un entrepôt de données de santé ?
La notion d’entrepôt de données de santé est très large et renvoie à un concept non défini légalement.
En pratique, il s’agit d’un espace au sein duquel est rassemblé un volume massif de données de santé issues de sources diverses. Elles sont conservées pour des périodes supérieures à dix ans en général, et utilisées dans le cadre de projets de recherche. La création d’un entrepôt de données de santé implique de s’interroger sur la finalité du traitement des données. Il n’est pas une fin en soi mais un outil pour réaliser des projets recherche ou du pilotage médico-économique ou d’activités. Pour en créer un, il faut soumettre un dossier à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil).
Qu’est-ce que les entrepôts de données de santé changent par rapport au stockage « habituel » ?
En l’absence d’entrepôt, les données sont stockées dans les applications métiers, en sachant que dans les établissements hospitaliers, elles co-existent en grande quantité. Chaque hôpital dispose de ses propres applications avec sa propre cartographie. Dans ces modèles, les données peuvent uniquement être utilisées par les professionnels dont c’est le métier car ils sont le plus souvent les seuls à pouvoir y accéder. Ce cloisonnement intrinsèque aux organisations hospitalières est un écueil à la réalisation de projets de recherche ou d’évaluation médico-économique.
En réponse, l’entrepôt de données de santé permet à l’ensemble des données d’un même patient d’être stockées au même endroit. Il les fait vivre pour en avoir une vision transverse. Son intérêt est d’intégrer dans un espace commun des données de santé hospitalières qui sont, par nature, hétérogènes, déstructurées et trop souvent parcellaires. Cet espace commun permet de créer un guichet unique pour les professionnels de santé souhaitant développer des projets de recherche. Jusqu’à présent, la recherche était cantonnée aux essais cliniques dans un cadre normalisé et standardisé. Avec les entrepôts de données de santé, nous pouvons rassembler les données produites à l’occasion de soins dispensés aux patients, qui n’ont pas, à l’origine, vocation à faire l’objet de recherche. Nous sortons du cadre de la recherche clinique traditionnelle pour aller au lit du patient. Ces données de vie réelle sont la traduction de la réalité de la prise en charge de nos patients dans leur complexité et leurs spécificités.
Cette approche nouvelle est clé car elle vient également modifier le cadre d’évaluation des produits de santé, des parcours de soins et des financements hospitaliers. Dans le cadre de l’application du Règlement général sur la protection des données (RGPD), les patients sont informés de l’utilisation de leurs données à des fins de recherche, via les livrets d’information distribués lors de leur hospitalisation. S’ils s’y opposent, ils doivent l’exprimer expressément. Leur consentement éclairé n’est pas requis contrairement à la recherche clinique.
Comment les praticiens accèdent-ils aux données ?
Les praticiens souhaitant accéder à des données dans le cadre d’un projet de recherche doivent formuler leur demande dans un outil dédié. Un comité scientifique ad hoc évalue leur requête sur un plan scientifique, méthodologique et technique. Lorsque leur projet est validé, ils n’ont pas pour autant accès à la donnée brute. Par exemple, pour un projet dans le cancer du sein, le praticien soumet un synopsis de son projet et l’équipe du service l’accompagne sur les variables requises (date de diagnostic, anatomopathologie, biomarqueurs, traitements, etc.), leur disponibilité et leur qualité (données de l’entrepôt hospitalier, données du Système national des données de santé en ambulatoire, etc.). Nous les conseillons également sur les aspects méthodologiques de l’analyse statistique. Les datas que nous leur fournissons sont pseudonymisées.
Des professionnels de santé d’autres établissements, qui souhaitent mener des travaux de recherche à l’échelle nationale, peuvent aussi nous solliciter. La démarche sera identique.
L’accès à ces données représente un réel bouleversement pour l’univers hospitalier et requiert de nouveaux savoir-faire et compétences qui se traduisent par de nouveaux métiers ayant des profils formés à la santé mais aussi à l’usage et l’analyse des données : scientists, data analysts, data engineers, data managers.
Quel est l’intérêt pour un pharmacien de PUI de solliciter une requête ?
Le pharmacien d’une PUI peut certes déjà détenir une bonne vision des prescriptions ou des lignes de traitement, mais avant l’existence des entrepôts de données de santé, il n’avait pas nécessairement accès à certains types de données cliniques et biologiques. Cet outil lui permet désormais de s’interroger sur les conséquences cliniques, médicales et économiques de l’usage des thérapeutiques qu’il délivre ou prépare. À l’ICO, nous travaillons par exemple sur un projet avec la PUI pour suivre l’utilisation et les financements, dans le temps, des patients traités par immunothérapie pour leurs tumeurs solides.
À l’hôpital, nous avons un important travail de pédagogie à effectuer auprès des professionnels de santé, à la fois concernant la structuration des données mais aussi leur exploitation. L’ensemble de ces recherches sur les données de vie réelle impliqueront de systématiser le recours à l’intelligence artificielle : identification des toxicités, interactions médicamenteuses, prédiction de l’efficacité, du risque de rechute, etc. L’enjeu est majeur pour les hôpitaux : décloisonner les datas et les faire vivre pour venir nourrir la recherche en tendant vers un continuum soin / recherche.
Références :
1. CHU de Nantes, de Rennes, d’Angers, de Brest et de Tours et le Centre de lutte contre le cancer (CLCC-l’Institut de Cancérologie de l’Ouest.
2. Il réunit 55 établissements publics, privés et CLCC sur le territoire dans le champ de l’oncologie.
Les points à retenir
- Les entrepôts de données de santé permettent de rassembler et d’exploiter un volume massif de données issues des hôpitaux. Ils servent principalement à des projets de recherche, pour du pilotage médico-économique et l’évaluation des soins.
- Contrairement au stockage habituel dans les applications métiers, qui crée un cloisonnement des données, les entrepôts offrent une vision transverse des informations patients. Cela permet d’exploiter des données de vie réelle issues des soins, au-delà des essais cliniques standardisés.
- L’accès aux données respecte un cadre réglementaire strict, notamment via la CNIL. Il requiert une validation par un comité scientifique et s’effectue par l’intermédiaire des demandes spécifiques. Les données restent pseudonymisées et exploitées selon un cadre méthodologique précis.
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