Économie de la santé
21/09/2023

Article 51 : l’exemple d’AKO@dom-PICTO

Le Programme Roche en Économie de la Santé (PRES), organisé en avril 2023, a été l’occasion de faire le point sur l’expérimentation AKO@dom-PICTO, menée dans le cadre de l’article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale 2018. Premier bilan.

L’expérimentation AKO@dom-PICTO1, lancée dans la région Grand Est, repose sur « un programme d’accompagnement personnalisé pour les patients atteints de cancer, âgés de plus de 18 ans, sous traitement anticancéreux par voie orale ou/et immunothérapie et suivis à domicile », a expliqué Delphine Ravily, pharmacienne au sein de l’Institut de cancérologie de Strasbourg Europe (ICANS). L’objectif est de réduire le risque de mauvaise observance des traitements mais aussi de faciliter les liens et le partage d’informations « entre la ville, l’hôpital et le domicile » grâce à « une plateforme d’e-suivi ».

Deux parcours d’accompagnement

Concrètement, l’expérimentation implique 16 établissements de santé (dont l’ICANS) et de nombreux professionnels libéraux : pharmaciens, infirmiers et médecins généralistes. Elle se terminera « fin 2024 avec presque 2 500 patients inclus sur 3 ans ». Elle s’organise autour de « deux parcours d’accompagnement », proposés au patient « selon ses besoins, sa thérapeutique et son degré de vulnérabilité ».
Le parcours AKO@dom, dédié aux patients vulnérables, prévoit, durant trois mois, la visite hebdomadaire d’un infirmier libéral à domicile. En lien permanent avec l’équipe hospitalière (le médecin hospitalier, l’infirmier de coordination et le pharmacien hospitalier), il est chargé de relever les constantes cliniques, de graduer les événements indésirables, d’évaluer l’observance et d’intégrer ces données sur la plateforme d’e-suivi. « Le pharmacien d’officine, de même que le médecin traitant du patient peuvent être inclus dans ce parcours et tenus informés », a détaillé Delphine Ravily.

Le parcours PICTO s’adresse, quant à lui, aux patients plus autonomes. Au total, quatre séances individuelles d’éducation thérapeutique (ETP) leur sont proposées, coordonnées par le pharmacien hospitalier et réalisées par le pharmacien d’officine.

Plus de 175 patients inclus

À ce jour, plus de 175 patients ont été inclus dans l’expérimentation. Issus essentiellement, pour l’instant, des filières urologique, gynécologique ou encore ORL, ils sont « plutôt fragiles » avec « un pourcentage de parcours appuyé un peu plus important ». Les premiers constats sont néanmoins encourageants : « moins de 2 % de mauvaise observance, des patients très satisfaits et moins de 5 % d’événements indésirables graves (de toxicité de grade 3 et 4) », a résumé la pharmacienne. En sachant que ces premières données, « souvent issues de questionnaires de satisfaction », sont à prendre avec quelques réserves et doivent encore être confortées par des données scientifiques et d’évaluation complètes.

« Il est encore difficile aujourd’hui d’évaluer les bénéfices en termes de prise en charge du patient », a-t-elle renchéri, tout en rappelant l’enjeu « de détecter de manière précoce les toxicités et surtout de maintenir une dose-intensité nécessaire et importante pour que l’efficacité des traitements soit maintenue ». Néanmoins, après un an d’expérimentation, « on note quand même que la qualité de vie des patients semble maintenue entre le début et la fin du parcours, ce qui n'est pas forcément évident », en particulier lorsque l’on « instaure une thérapie avec une toxicité pouvant être importante », a-t-elle relevé.

D’un point de vue organisationnel, globalement, cette expérimentation a permis de structurer les équipes hospitalières et de travailler de manière pluridisciplinaire, autour du patient, chacun apportant ses compétences. Cela a également permis de développer les liens entre l’hôpital et la ville et de nouer des relations de confiance. Par ailleurs, « l’implication des équipes libérales est assez exceptionnelle, a-t-elle complété. Nous n’avons constaté aucun refus d’infirmiers ou de pharmaciens d’officine de participer à ces parcours, en sachant que la rémunération, pour l’instant, au vu du nombre de patients à suivre, n’est pas la préoccupation principale des professionnels de santé. » Ils souhaitent plutôt participer à l’amélioration du suivi et de l’accompagnement des patients.

Un partage d’expertise

En revanche, une telle organisation implique « de mobiliser des ressources que nous n’avons pas forcément, dans un contexte de forte tension en professionnels de santé, en ville comme à l’hôpital, a-t-elle alerté. De même, la rémunération pour cette expérimentation est effectivement – on s’en rend compte après plus d’un an – largement en deçà du déploiement des ressources nécessaires. Néanmoins, le lancement de l’expérimentation nationale Onco’Link, dont le modèle de fonctionnement est plus ou moins similaire au modèle PICTO, a pris cet aspect en considération et revu les forfaits ainsi que le financement. » Enfin, certains problèmes d’interopérabilité demeurent, obligeant parfois les professionnels de santé à ressaisir un certain nombre d’informations.

Il faudrait par ailleurs, selon elle, « renforcer la formation pour homogénéiser le discours destiné à rassurer le patient », « poursuivre la transformation du fonctionnement des organisations » en vue d’une possible intégration de ces parcours d’accompagnement dans le droit commun et « essayer de mobiliser un peu plus les médecins traitants, encore trop peu investis. En revanche, les pharmaciens d’officine se félicitent des contacts créés avec les établissements de santé et de la valorisation de leur rôle vis-à-vis des patients, même s’ils déplorent, parfois, le manque de ressources, de temps et de lieu de confidentialité dédié pour leurs nouvelles missions », a énuméré Delphine Ravily.

Dans le cadre de cette expérimentation, il n’y a pas de « transfert mais un partage d’expertise et de compétences entre ville et hôpital », a-t-elle rappelé en guise de conclusion. Sans doute, côté hôpitaux, faudra-t-il néanmoins mettre à disposition des professionnels de ville, les outils et la formation nécessaire pour pouvoir répondre aux questions et aux problématiques des patients, consolider la collaboration et la coordination ville-hôpital ou encore, développer et valoriser certains profils, comme celui des infirmiers de coordination (Idec) et de pratiques avancées (IPA), par exemple.

Référence :
1. L’expérimentation, d’une durée de trois ans, est soutenue par l’ARS Grand Est mais est également portée par un consortium qui associe : le réseau de cancérologie Grand Est - NEON, la start-up portant la plateforme de e-suivi, l'association Patients en réseau, l'URPS pharmaciens Grand Est et les Hôpitaux Universitaires de Strasbourg (HUS).

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Établi en septembre 2023