Principes de la thérapie génique et applications en rétinologie

L’avenir des traitements des pathologies rétiniennes, et notamment de la DMLA exsudative, pourrait se tourner vers la thérapie génique, avec un double espoir : améliorer la prise en charge et réduire le fardeau économique et social de ces pathologies invalidantes pour un grand nombre de patients.
De nombreux obstacles restent cependant à franchir : définir la meilleure cible thérapeutique, la voie d’administration optimale et prévenir ou atténuer les réponses immunitaires liées à l’administration de particules virales.
Le challenge est grand, la route est encore longue mais les espoirs et les attentes sont importants.

L’œil, un organe de choix pour la thérapie génique[1] [2]

L’utilisation de la thérapie génique dans l’environnement des structures rétiniennes présente de nombreux avantages :

  1. accessibilité de l’organe permettant des techniques non-invasives,

  2. faible quantité de médicaments à administrer grâce au faible volume de la rétine,

  3. peu de risque d’intégration accidentelle mutagène. La rétine étant composée de cellules post-mitotiques, elle permet une expression du gène sur le long terme sans risque d’insertion génomique,

  4. accessibilité facilitée aux examens fonctionnels et d’imagerie non invasifs grâce à la transparence des milieux qui entourent la rétine,

  5. bonne tolérance à la thérapie génique grâce à la barrière hémato-rétinienne protégeant les structures du système immunitaire,

  6. possibilité de ne traiter qu’un seul œil et considérer le deuxième œil comme contrôle d’efficacité et de tolérance du traitement.

Le principal inconvénient vient de la nature post-mitotique des cellules rétiniennes. En effet, les vecteurs viraux ne peuvent pénétrer que dans des cellules en division, ils ont donc un accès limité à ce type de cellules. De plus, le succès de la thérapie génique dépend du niveau de dégénérescence des cellules rétiniennes au moment de l’injection : les cellules rétiniennes ne peuvent pas être remplacées une fois le processus de dégénérescence enclenché.

Thérapie génique : pour quelles pathologies et pour quels patients ?

Visionnez la vidéo du Pr Michel Weber, professeur d’université et praticien hospitalier au CHU de Nantes.

Principes généraux de la thérapie génétique dans les pathologies rétiniennes[3]

Thérapie génique : existe-t-il un vecteur idéal ?[1] [2]

La réussite d’une thérapie génique dépend du type de vecteur utilisé. Un « bon vecteur » nécessite d’être non pathogène, non réplicatif, non immunogène et non intégratif, pour éviter les mutations dans l’ADN des cellules hôtes. Il doit cibler spécifiquement le type cellulaire désiré et permettre une expression du gène d’intérêt sur le long cours.
Deux grandes familles de vecteurs sont actuellement à l’étude : les vecteurs viraux et les nanoparticules.
Les virus adéno-associés (AAV) sont aujourd’hui les vecteurs les plus fréquemment utilisés. Même s’ils ne sont capables de transporter qu’une cassette d’expression de taille relativement petite (qui permet donc de ne vectoriser qu’un gène de petite taille).
C’est pourquoi les lentivirus d’origine équine, du fait de leur capacité de transport plus importante, sont dans certains cas privilégiés[1].

Thérapie génique : quelle efficacité pour quelle tolérance ?[1]

Administrés par voie sous-rétinienne, les vecteurs AAV (virus adéno-associés) ont montré un bon profil de tolérance en préclinique et en clinique chez des patients atteints de rétinite pigmentaire héréditaire.
La toxicité du vecteur dépend de la dose utilisée et du type de promoteur choisi pour l’expression du gène thérapeutique. En effet, une injection sous-rétinienne de vecteur AAV dans des modèles animaux ont montré une expression dans le nerf optique et les voies visuelles mais pas dans d’autres organes.
Si certaines études menées dans le foie de souris « nouveau née » ont montré une intégration accidentelle du vecteur AAV avec formation de tumeur, ce risque semble néanmoins limité concernant les cellules rétiniennes, qui ne se divisent pas.
Limiter au maximum la quantité de vecteur injecté semble néanmoins un prérequis indispensable.
Si les bénéfices à court terme ont été observés, les résultats sur les capacités visuelles à long terme sont encore à préciser. En effet, certaines études ont révélé une perte d’efficacité plusieurs années après injection.

Focus sur CRISPR-Cas9 ou les « ciseaux moléculaires » : la précision à la pointe de la technologie[4] [5] [6]

C’est en octobre 2020 que les docteurs Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna ont reçu le prix Nobel de Chimie pour la mise au point de cette technique d’édition du génome (de l’anglais genome editing).
CRISPR-Cas9 (CRISPR pour Clustered Regulary Interspaced Short Palindromic Repeats) est un outil moléculaire simple et rapide permettant de modifier une séquence d’ADN de façon ciblée (inactivation d’un gène, correction d’une mutation spécifique, insertion d’un nouveau gène…) grâce à l’utilisation d’un ARN guide.
La reconnaissance précise de la séquence d’ADN est faite par l’ARN guide et la coupure par une endonucléase Cas9. Ce système de coupure/réparation de l’ADN a émergé comme un outil particulièrement adapté à l’ingénierie génétique.
En 2020, un essai de phase I/II ciblant des mutations dans le gène CEP290 a été mené dans l’amaurose congénitale de Leber. Par le biais d’un vecteur AAV, le couple CRISPR-Cas9 a été introduit via une injection sous-rétinienne. Il s’agissait pour cette phase de tester la tolérance au traitement de petites doses de vecteur. L’avenir dira si d’autres patients pourront recevoir de plus fortes doses.
Certains obstacles doivent encore être surmontés notamment en ce qui concerne l’apparition de coupures « off target ». En effet, lors de la fixation de Cas9 à l’ADN, des mésappariements peuvent apparaître provoquant des coupures en dehors de la séquence ciblée, coupures pouvant causer des altérations dans d’autres fonctions cellulaires.

Références
[1] Ducloyer JB, et al. Médecine/Sciences. 2020 ; 36 : 607-15.
[2] Ziccardi L, et al. Gene Therapy in Retinal Dystrophies. Int. J. Mol. Sci. 2019, 20, 5722.
[3] Hu ML, et al. Gene therapy for inherited retinal diseases: progress and possibilities. Clinical and experimental optometry. 2021, VOL. 104, NO. 4, 444–454.
[4] Botto C, et al. Early and late stage gene therapy interventions for inherited retinal degenerations. Prog Retin Eye Res. 2021 May 29;100975.
[5] Inserm. Édition génomique. 2018. Consulté le 03/10/21. Disponible sur  https://www.inserm.fr/dossier/edition-genomique/
[6] Leem. Santé 2030. Une analyse prospective en santé. Edition 2020.

M-FR-00007093-1.0
Établi en décembre 2022