Optogénétique : principes et application en opthalmologie

Thérapie génique dans les dystrophies rétiniennes, un recul de près de 15 ans[1] [2]

Plus de 300 gènes sont responsables de maladies dégénératives rétiniennes. Initialement menées grâce aux techniques de supplémentation utilisant des vecteurs AAV, de nombreuses études cliniques ont montré des résultats encourageants sur certaines pathologies héréditaires rétiniennes. Cependant, le développement de ces techniques génétiques spécifiques ne sont pas faisables à grande échelle et ne peuvent concerner qu’un nombre très limité de patients.
Quelle que soit l’origine génétique, les processus de dégénérescence rétinienne sont communs aux rétinites pigmentaires, la révolution pourrait alors venir de l’optogénétique qui apparaît comme une approche thérapeutique universelle.
L’optogénétique est une discipline qui combine à la fois des techniques de neurobiologie et de génétique. Elle a pour objectif de cibler les cellules rétiniennes résiduelles et de les convertir en cellules photoréceptrices en insérant un gène codant pour une protéine photosensible ou opsine.
Différents types cellulaires peuvent être photosensibilisés :

  • les cellules ganglionnaires, 

  • les cellules bipolaires, 

  • les photorécepteurs dits « dormants », car ayant perdu leur photosensibilité naturelle.

Optogénétique : les premiers succès[2] [3] [4]

Des premiers essais ont été menés dans un modèle de primate non humain. L’injection d’un vecteur AAV porteur du gène codant pour une opsine a permis une expression durable de la protéine fonctionnelle dans les cellules ganglionnaires de la rétine. Le potentiel de restauration visuelle était supérieur à celui produit par les implants rétiniens.
Récemment, une société française a initié des essais cliniques chez des patients aveugles atteints de rétinopathie pigmentaire. Grâce à des lunettes qui permettent de transformer les informations lumineuses en images monochromes, les patients ont pu recevoir les informations visuelles de leur environnement concernant des stimulations à un très fort niveau de luminance au pic de photosensibilité de la protéine.
Bien qu’encourageante, l’optogénétique doit faire face à un certain nombre de problèmes qu’il faudra résoudre dans les années à venir, notamment celui du type de protéine opsine à faire exprimer par les cellules rétiniennes. La rhodopsine ou l’halorhodopsine nécessitent d’être activées avec des intensités lumineuses très fortes et donc toxiques pour la rétine humaine. La mélanopsine a quant à elle une faible cinétique d’activation. L’optogénétique devra à l’avenir identifier des opsines avec des caractéristiques compatibles avec l’œil humain et les intensités lumineuses qu’il peut supporter.
Un autre point clé dans le développement de cette technique est de pouvoir restaurer des réponses visuelles complexes. L’optogénétique cible les cellules ganglionnaires en contournant une étape importante de la propagation du stimulus vers le circuit de la rétine interne. Cibler les couches extrapériphériques de la rétine pourrait permettre un meilleur traitement du signal lumineux.
En juillet 2021, un premier succès mondial est arrivé dans le monde de l’optogénétique grâce aux équipes du Pr José-Alain Sahel. Un patient aveugle a été traité par optogénétique et a été capable de localiser, compter et toucher des objets de son environnement.

Et après-demain ?

La thérapie génique est une approche thérapeutique révolutionnaire qui ne cesse d’évoluer. De nombreux essais cliniques sont actuellement en cours et ont pour objectif de mieux prendre en charge les patients et de s’adapter au stade de leurs maladies évolutives.
La recherche évolue rapidement et les perspectives de nouvelles découvertes pour les patients sont encore nombreuses. Avant que la thérapie génique ne s’installe dans la pratique médicale, des défis technologiques, économiques et éthiques sont à relever.

Références
[1] McClements ME, et al. Optogenetic Gene Therapy for the Degenerate Retina: Recent Advances. Front Neurosci. 2020 Nov 11;14:570909.
[2] Picaud S, Sahel JA. Restauration de la vision Science-fiction ou réalité ? Médecine/sciences. 2020;36:1038-44.
[3] Trapani I & Auricchio A. Seeing the Light after 25 Years of Retinal Gene Therapy. Trends Mol Med. 2018 Aug;24(8):669-681.
[4] Sahel JA, et al. Partial recovery of visual function in a blind patient after optogenetic therapy. Nat Med. 2021 Jul;27(7):1223-1229.

M-FR-00007093-1.0
Établi en décembre 2022